Arrêt n° 059/2008, Audience publique du 30 décembre 2008, Pourvoi n° 022/2005/PC du 23 mai 2005, Affaire : Madame ROUFAI Fatoumata (Conseils : SCPA MANDELA, Avocats à la Cour) contre Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ (Conseil : Maître Moussa COULIBALY, Avocat à la Cour).- Recueil de Jurisprudence n° 12, Juillet-Décembre 2008, p. 82
Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) Arrêt du 30/12/2008
Violation De L'article 2 De La Loi Organique N° 62-11 Du 16 Mars 1962, Par Fausse Motivation » : Rejet
Violation De L'article 2 De La Loi Organique N° 62-11 Du 16 Mars 1962, Par Manque De Base Légale » : Rejet
Violation De L'article 2 De La Loi Organique N° 62-11 Du 16 Mars 1962, Par Dénaturation Des Faits Résultant D'une Fausse Interprétation De La Volonté Des Parties » : Rejet
Violation De L'article 2 De La Loi Organique N° 62-11 Du 16 Mars 1962, Par Contrariété Des Motifs » : Rejet
Violation De L'article 1134 Du Code Civil : Rejet
Violation De L'article 1583 Du Code Civil : Rejet
Violation Des Articles 45, 46, 47 Et 48 De L'ordonnance N° 97-002 Du 10 Janvier 1997 Portant Législation Pharmaceutique Du Niger : Rejet
Contrairement à ce que soutient Madame ROUFAI, il ne ressort pas de ses conclusions du 15 janvier 2001, qu'elle avait introduit devant le premier juge une demande tendant à la déclarer propriétaire de l'officine litigieuse ; l'expression « au total, la cession de l'officine à Dame ROUFAI est intervenue dans les formes requises, ce qui rend son droit de propriété sur l'officine indiscutable » a été mentionnée dans ses conclusions à propos de la validité de la cession d'actifs de fonds de commerce ; de cette expression, il ne peut être déduit, même de manière implicite, qu'elle a réclamé la propriété de la pharmacie, surtout que ladite demande ne ressort pas dans le dispositif des conclusions du 15 janvier 2001 ; en tout état de cause et comme le dit l'arrêt attaqué, c'est surabondamment et après avoir démontré par d'autres motifs que Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ est seul et unique propriétaire du fonds de commerce de l'enseigne « pharmacie centrale », qu'il a été retenu que la demande en réclamation de la propriété de la pharmacie a été introduite par Madame ROUFAI Fatoumata pour la première fois en cause d'appel ; il s'ensuit que la première branche du premier moyen n'est pas fondée et doit être rejetée.
Contrairement aux allégations de Madame ROUFAI, la Cour d'Appel de Niamey, pour déclarer nulle la société en participation créée entre elle et Monsieur BERTHOZ, a retenu « qu'il est indéniable que la convention de société conclue le 01/05/1994 entre Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ et Madame ROUFAI Fatoumata a un objet illicite, car ayant pour but l'exploitation d'une pharmacie entre une pharmacienne et un non pharmacien, en ce qu'elle viole l'article 47 de l'ordonnance n° 97-002 du 10/01/1997 ... » ; la nullité prévue par l'ordonnance précitée étant d'ordre public, c'est à bon droit que le premier juge l'a prononcée « erga omnes entre les parties » ; elle n'a en conséquence à aucun moment explicitement dit que la société en participation créée le 1er mai 1994 était nulle dès sa création ; qu'ainsi, la Cour d'Appel de Niamey a donné une base légale à sa décision ; il suit que la deuxième branche du premier moyen n'est pas davantage fondée et doit être rejetée.
C'est après avoir souverainement apprécié les différents actes passés entre Madame ROUFAI et Monsieur BERTHOZ pendant la période allant du 06 mars 1994 au 10 janvier 2000, ainsi que le comportement de ces derniers pendant la même période, que la Cour d'Appel a estimé que le contrat de société en participation tient lieu de contre-lettre ; ainsi, l'arrêt attaqué n'a en rien dénaturé les faits, et il s'ensuit que la troisième branche du premier moyen n'est pas non plus fondée et doit être rejetée.
D'une part, c'est en application de l'article 1156 du code civil, aux termes duquel « on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes », que l'arrêt attaqué a démontré que le contrat de société en participation tenait lieu en fait de contre-lettre par rapport aux différents actes de cession intervenus durant la même période, et que les stipulations dudit contrat de société en participation contredisent et mettent à néant celles des actes de cession et caractérisent suffisamment la contre-lettre ; en tirant les conséquences liées à l'existence de cette contre-lettre pour faire échec aux différents actes de cession intervenus entre les parties, les motifs dudit arrêt ne sont en rien contradictoires ; d'autre part, l'article 854 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique traitant de la société en participation en général et l'article 47 de l'ordonnance n° 97-002 du 10 janvier 1997 traitant spécifiquement de « toute stipulation destinée à établir la propriété ou la copropriété d'une officine », les deux dispositions sont applicables au cas d'espèce, en application de l'article 916 alinéa 1er de l'Acte uniforme sus indiqué, aux termes duquel « le présent Acte uniforme n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier », ce qui est le cas des officines de pharmacie ; les motifs de l'arrêt attaqué sur ce point ne sont en rien contradictoires ; il résulte de tout ce qui précède, que la Cour d'Appel de Niamey n'a en rien violé les dispositions de l'article 2 de la loi organique n° 62-11 du 16 mars 1962 et en conséquence, le moyen non fondé tiré de la violation dudit article doit être rejeté.
C'est après avoir amplement démontré que les actes de cession signés par les parties sont argués de simulation, simulation à laquelle Madame ROUFAI Fatoumata a sciemment participé, que l'arrêt attaqué a retenu que c'est la convention de société de participation à laquelle Madame ROUFAI Fatoumata a librement souscrit qui la lie et qu'en application de l'article 857 de l'Acte uniforme sus indiqué, aux termes duquel « les biens nécessaires à l'activité sociale sont mis à la disposition du gérant. Toutefois, chaque associé reste propriétaire des biens qu'il met à la disposition de la société », Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ doit reprendre le fonds de commerce à l'enseigne « Pharmacie Centrale » et l'immeuble servant à l'exploitation, et Madame ROUFAI Fatoumata son diplôme de pharmacie ; il s'ensuit que l'arrêt attaqué n'a en rien violé l'article 1134 du code civil et que le second moyen, pris en sa première branche, n'est pas fondé et doit être rejeté.
Pour statuer comme elle l'a fait, la Cour d'Appel de Niamey a d'abord fait observer que « même à l'égard d'un acte authentique, la force probante jusqu'à inscription de faux dont il est revêtu n'empêche pas que les conventions qui [y] sont contenues [puissent] être arguées de simulation, surtout par l'une des parties contractantes, a fortiori celles qui font l'objet d'acte sous seing privé » ; ensuite elle a relevé que postérieurement à l'acte de cession de la pharmacie à Madame ROUFAI, celle-ci a perçu les dividendes générés par l'exploitation de ladite pharmacie « à concurrence d'abord de 25 %, puis à partir du 20/03/1998, de 50 % jusqu'à la date de l'assignation ; qu'en outre, dans sa lettre du 29/04/2000, tout en fustigeant le comportement de l'intimé [Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ], l'appelante [Madame ROUFAI] a déploré une dénonciation des accords les liant et a invité Monsieur BERTHOZ à lui indiquer les modalités de leur rupture, notamment sur le plan de son indemnisation ; que ces propos sont assez illustratifs de la nature réelle des rapports ayant existé entre Madame ROUFAI Fatoumata et Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ et corroborent les allégations de ce dernier selon lesquelles les attestations de vente, l'inscription modificative au registre du commerce ne sont que de pure complaisance ; il résulte de cette lettre que le comportement affiché par Madame ROUFAI Fatoumata est celui d'une simple gérante et non d'une propriétaire de l'officine jouissant de tous les droits y afférents » ; ainsi, en statuant comme elle l'a fait par l'arrêt attaqué, la Cour d'Appel de Niamey ne viole en rien le texte visé au moyen ; qu'il échet de rejeter ledit moyen comme non fondé.
Contrairement aux allégations de la demanderesse au pourvoi, c'est après avoir relevé « qu'en l'espèce, le contrat de société en participation tient lieu de contre-lettre ; qu'en effet l'acception de contre-lettre n'est autre que l'existence de deux conventions, l'une ostensible et l'autre occulte intervenue entre les parties contractantes dont la seconde est destinée à modifier ou à annuler les stipulations de la première ; ..., qu'il n'est pas nécessaire que la mention de contre-lettre soit expressément portée sur l'acte secret ; qu'il suffit que les différents actes soient passés dans les mêmes formes, à l'instar des actes de cession et la convention de société en participation tous formés par écrit ; que les stipulations de celle-ci contredisent et mettent à néant celles des actions de cession la caractérisant suffisamment ; que les actes de cession du fonds de commerce de l'officine et de son mobilier ne sont que des actes ostensibles ayant pour objet l'exploitation masquée de la pharmacie par le biais de la société en participation », que l'arrêt attaqué a retenu « que concernant la validité des actes de cession, certes, en vertu de l'article 1583 du code civil, une vente est parfaite et la propriété acquise à l'acquéreur dès lors qu'il y a accord sur le prix et sur la chose ; il reste qu'il en est autrement lorsque cet accord était en réalité déguisé et que ce déguisement a été sciemment convenu et exécuté par les parties contractantes ; ... Madame ROUFAI Fatoumata, pharmacienne de son état, ne pouvait pas raisonnablement ignorer que l'acquisition de la pharmacie lui en conférait la pleine propriété et qu'elle n'était nullement tenue de partager les bénéfices tirés de l'exploitation d'une officine dont elle est propriétaire ; qu'en posant des actes qu'elle savait constitutifs de sa participation à la simulation, l'appelante est mal fondée à se prévaloir desdits actes de cession » ; en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel de Niamey n'a en rien violé les dispositions de l'article 1583 du code civil ; il s'ensuit que la troisième branche du second moyen n'est pas fondée et doit être rejetée.
Il ressort des pièces du dossier de la procédure, que courant 1987, Monsieur BERTHOZ a hérité d'un fonds de commerce à l'enseigne « Pharmacie Centrale » ainsi que de l'immeuble servant à son exploitation et que n'étant pas pharmacien, il a bénéficié de plusieurs prorogations d'exploitation de cette officine, dont la dernière suivant arrêté du 16/06/1992 du Ministère de la Santé avec indication de Madame ROUFAI Fatoumata comme gérante et engagement de céder l'officine à celle-ci, selon les modalités arrêtées par les deux parties ; c'est ainsi qu'ils ont été amenés d'une part, à signer les différents actes de cession relatifs aux éléments de l'officine et, d'autre part, à mettre en place une société en participation à l'effet d'exploiter la même officine pour une durée de vingt (20) ans, Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ apportant à la société le fonds de commerce et l'immeuble, Madame ROUFAI apportant son diplôme ; le fait que Monsieur BERTHOZ n'ait pas la qualité de pharmacien ne peut suffire à lui retirer la propriété du fonds de commerce qu'il a hérité, même si la loi relative à la législation pharmaceutique ne lui permet pas d'exploiter personnellement ledit fonds de commerce ; en décidant que conformément à l'article 857 de l'Acte uniforme sus indiqué, Monsieur Frédéric Jean BERTHOZ doit reprendre le fonds de commerce à l'enseigne « Pharmacie Centrale » et l'immeuble servant à l'exploitation et Madame ROUFAI Fatoumata son diplôme de pharmacie, l'arrêt attaqué n'a en rien violé les dispositions des articles 45, 46, 47 et 48 de l'ordonnance n° 97-002 du 10 janvier 1997 portant législation pharmaceutique du NIGER ; il s'ensuit que la quatrième branche du second moyen n'est pas aussi fondée et doit être rejetée.