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Conversion de créances en titre de capital : Quid du droit OHADA ?
- 03/08/2011
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Bérenger MEUKE, Docteur en Droit des Affaires, Membre des Barreaux de Lyon et du Cameroun et Chargé d'Enseignement à l'Université de Bamako commente la conversion de créances en titre de capital, en OHADA.
Au moment même où plusieurs pans entiers de l'Acte Uniforme OHADA sur les procédures collectives sont en cours de relecture, un très grands nombre de petites et moyennes entreprises traversent de sérieuses difficultés économiques et financières, conséquence d'une trésorerie qui se dégrade et se détériore au jour le jour comme en témoigne le nombre croissant de demande de règlement préventif devant nos juridictions, lesdites entreprises n'étant plus en mesure d'assurer le remboursement de leurs emprunts, encore moins le respect de leurs échéances de remboursement et, de manière générale des obligations et ratios financiers convenus dans le cadre des conventions de crédit et de financement dont elles bénéficient.
Or, force est de constater l'échec quasi systématique des procédures de règlement préventif ou de redressement judiciaire en OHADA, du moins s'agissant des créanciers qui de plus en plus n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.
Entre la dénonciation de la convention qui le lie à l'emprunteur et la restructuration du crédit, la mise en place d'un plan de restructuration de la dette de l'entreprise débitrice dans le cadre d'une réorganisation judiciaire est alors susceptible de conduire l'entreprise créancière à estimer opportun, plutôt que de perdre tout ou partie de sa créance, de convertir cette dernière en actions de l'entreprise débitrice : c'est la conversion de la créance en titre de capital ou « debt equity swap ».
Au plan juridique, la libération d'actions nouvelles par compensation de créance est subordonnée d'après l'Acte Uniforme de l'OHADA relatif au Droit des Sociétés, à une triple condition, de certitude, de liquidité et d'exigibilité de la créance.
Des dispositions des alinéas 1 et 2 de article 562 de l'Acte Uniforme susvisé, « Le capital social est augmenté, soit par émission d'actions nouvelles, soit par majoration du montant nominal des actions existantes.
Les actions nouvelles sont libérées, soit en espèces, soit par compensation avec des créances certaines, liquides et exigibles sur la société, (...). »
En effet, il s'agit là d'une technique permettant à l'entreprise débitrice de modifier son équilibre financier en transformant une dette en part de capital, même s'il convient de préciser que cette technique est forcément limitée en capacité puisque l'augmentation de capital ne peut alors excéder le montant de la dette initial.
La Cour de Cassation française1, dans un arrêt qui pourrait bien être repris par les juridictions de la zone OHADA avait indiqué que « rien ne s'oppose à ce que la valeur des parts sociales souscrites soit réglée par compensation avec la créance du souscripteur sur la SARL, puisqu'aussi bien rien ne s'opposerait en cas de versement en espèces, à ce que la société règle aussitôt avec les fonds reçus du souscripteur le passif dont elle était tenue ».
Toute la problématique serait donc celle de savoir, s'il s'agit d'une opération d'échange ou alors d'une simple modalité de libération d'une part de capital.
Si l'augmentation du capital social par conversion de créances en actions peut s'opérer au moyen de créances ordinaires ou de créances déjà représentées par une valeur mobilière, l'on pourrait alors décomposer l'opération en une cession de créance suivie immédiatement d'une acquisition de titres ou encore avancer que, la libération d'actions nouvelles par compensation avec une créance ne constitue qu'une modalité de libération, à l'image de celle réalisée en numéraire.
Même si une telle opération devrait être validée par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires seule compétente pour décider d'une augmentation du capital social, toujours est il que les créances converties en actions doivent alors faire l'objet d'un arrêté de compte, établi par les dirigeants sociaux et certifié par les commissaires aux comptes, la libération par compensation pouvant être constatée par un commissaire aux comptes ou un notaire.
Reste alors à souligner que pour les actionnaires-fondateurs de l'entreprise débitrice, la conversion des créances en titre de capital pourrait avoir, selon la proportion de participation2, prise par le prêteur, un effet de dilution plus ou moins important, avec une répercussion sur les dividendes futurs à distribuer aux actionnaires de l'emprunteur.
Par ailleurs, dans le cadre d'une réorganisation judiciaire de l'entreprise la possibilité de convertir les créances en titre de capital pourrait se heurter à des désaccords entre créanciers et actionnaires surtout par rapport au point central de la valorisation de la conversion ou de l'apport dans leur différente comptabilité.
Il n'est dès lors point inenvisageable pour les acteurs de la relecture actuelle de l'Acte Uniforme OHADA sur les procédures collectives, de faire jouer à cette technique, tout son rôle tant dans le traitement des défaillances des entreprises que dans la consolidation des mécanismes de prévention.
Bérenger MEUKE
Email : berengermeuke@yahoo.fr
http://meuke.blogspot.com
(↑1) Cass. com. 7 février 1972, Rev. Soc. 1973.297 note du Pontavice. Voir également CA versaille 25 octobre 1990, Bull. Joly 1991.76 note Jeantin. De même il a été jugé que la libération des souscriptions n'est ni prohibée ni réglementée par la loi et que sa validité ne peut être affectée que par une fraude CA Aix 9 avril 1992, RJDA 12/92 n° 1139.
(↑2) Voir notre article Bérenger MEUKE « L'action de priorité dans l'OHADA » : Rev Jur Tchadienne, www.cefod.org