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Arbitrage international / Obligations d'indépendance, d'impartialité et de révélation des arbitres / AAA ICDR / Henri ALVAREZ / FASKEN MARTINEAU DUMOULIN / Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 14 octobre 2014

  • 14/10/2014
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Nous faisons référence à nos précédentes lettres d'information des 14, 17 et 24 août 2013 ; des 03 et 15 septembre 2013 ; du 24 octobre 2013 ; des 15, 17 et 22 novembre 2013 ; des 12 et 13 décembre 2013 ; des 9 et 17 janvier 2014 et du 3 mars 2014.

Votre site www.ohada.com souhaite porter à votre connaissance l'Arrêt visé en objet rendu par la Cour d'Appel de Paris le 14 octobre 2014.

Rappel des faits du cas d'espèce :

Le litige relève d'un arbitrage international AAA ICDR avec un arbitre unique, les demandes initiales d'un groupe de milliardaires canadiens et d'un fonds américain coté sur la bourse de New York portant sur une somme de 990 millions USD.

En mars 2011, l'arbitre unique, Henri ALVAREZ, avocat associé du cabinet canadien FASKEN MARTINEAU DUMOULIN rend une sentence intermédiaire de responsabilité. Il retient la bonne foi de la partie défenderesse, PME guadeloupéenne ayant déployé un câble sous-marin à fibre optique de 3000 km dans les 14 îles de la Caraïbe Orientale. Il la déclare néanmoins responsable d'une rupture d'un soi-disant engagement oral téléphonique de procéder à la cession de cet actif de câble sous-marin.

D'avril à octobre 2011, l'arbitre unique, dans le prolongement de sa sentence intermédiaire instruit des demandes d'indemnisation de plusieurs centaines de millions de dollars des groupes canadiens et nord-américains.

C'est alors que la partie défenderesse est alertée par de grands juristes internationaux impliqués dans la mise en œuvre du programme OHADAC dans la Caraïbe. Ces derniers, interpellés par le déroulement de l'arbitrage et par l'attachement de l'arbitre unique à instruire seul des demandes de montants colossaux, s'interrogent sur l'impartialité et l'indépendance de l'arbitre unique.

Sur la recommandation de ces grands juristes, la PME guadeloupéenne procède alors au cours de la seconde quinzaine d'octobre 2011 à des recherches sur le site Google, de liens d'affaires éventuels entre les parties canadiennes et américaines et le cabinet d'avocats canadien FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP dont l'arbitre unique Henri ALVAREZ est l'un des principaux associés. Elle découvre alors toute une série de liens d'affaires très importants non révélés par l'arbitre unique entre ces acteurs nord-américains et le cabinet FASKEN MARTINEAU DUMOULIN, notamment une transaction spectaculaire de près de 600 millions USD conduite par le cabinet de l'arbitre unique et finalisée en décembre 2010, soit en plein cœur de l'arbitrage, trois mois avant le rendu de la sentence intermédiaire de mars 2011. Cette opération est présentée sur le site du cabinet FASKEN MARTINEAU DUMOULIN comme l'une des plus importantes transactions de l'année 2010 de ce cabinet canadien, l'un des plus importants du Canada.

La PME guadeloupéenne prend alors toute la mesure de la situation invraisemblable dans laquelle elle se retrouve. Elle saisit alors immédiatement le centre d'arbitrage AAA ICDR et lui demande d'appliquer les statuts de ce centre d'arbitrage en révoquant l'arbitre unique. Aux termes des statuts AAA ICDR, l'arbitre avait une obligation absolue de révéler lors de sa nomination et tout au cours de l'arbitrage, tous les faits qui, à son niveau et au niveau de son cabinet d'avocats, étaient de près ou de loin de nature à soulever une doute légitime sur son indépendance et son impartialité.

AAA/ICDR dans une décision laconique, non motivée, d'une ligne et demie, rejette le 9 décembre 2011 sans aucune justification la demande de révocation de l'arbitre unique et informe les parties que ce dernier décide de démissionner.

Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 14 octobre 2014 :

Dans son Arrêt du 14 octobre 2014, la Cour d'Appel de Paris annule l'exequatur de la sentence intermédiaire rendue par l'arbitre unique conflicté et démissionnaire en décembre 2011 et déclare donc cette sentence nulle et non avenue dans l'ordre juridique français.

La Cour réaffirme ainsi clairement les devoirs d'indépendance, d'impartialité et de révélation qui pèsent sur les arbitres et leur cabinet d'avocats.

L'attendu décisif de cet arrêt est riche d'enseignements pour la pratique arbitrale et est ciselé en ces termes :

« Considérant qu'il apparaît donc que, contrairement à ce que laissait entendre la déclaration d'indépendance de M. Alvarez, alors que l'instance arbitrale était en cours, trois avocats du cabinet Fasken Martineau prêtaient leur concours à Leucadia dans une opération que le cabinet regardait comme un enjeu de communication; que de telles circonstances, qui étaient ignorées d'AGI lors de la désignation de M. Alvarez, étaient de nature à faire naître dans l'esprit de cette partie un doute raisonnable quant à l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre; qu'il convient dès lors d'annuler la sentence en raison de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral ».

La Cour d'Appel accorde enfin un montant particulièrement élevé d'article 700 Code de Procédure Civile : 200 000 EUROS.

Commentaires du site www.ohada.com

Votre site www.ohada.com se félicite de cet Arrêt, très attendu par la communauté de l'arbitrage international. Cette décision de justice n'est pas une surprise; elle réaffirme les obligations essentielles qui pèsent sur les arbitres, leur cabinet d'avocats et les centres d'arbitrage relatives à l'indépendance, l'impartialité et les devoirs très stricts de révélation des arbitres. Il s'agit là des valeurs essentielles qui sont les piliers mêmes de l'arbitrage.

Le site www.ohada.com déplore une nouvelle fois que l'arbitrage américain AAA ICDR n'ait pas respecté spontanément ces règles les plus élémentaires d'indépendance, règles pourtant reprises en lettres d'or dans ses propres statuts.

Le site www.ohada.com tire avantage de cet Arrêt emblématique de la Cour d'Appel de Paris pour rappeler que l'arbitrage, justice conventionnelle privée, peut s'il n'est pas rigoureusement encadré se révéler un mécanisme incertain et risqué pouvant conduire de manière arbitraire et brutale, sans recours, à la faillite des entreprises et la disparition de milliers d'emplois. Une sentence arbitrale n'est en effet susceptible de quasiment aucun recours, sauf le cas de conflit d'intérêt avéré et non révélé. L'acceptation d'une clause compromissoire dans un contrat doit être une décision mûrement nourrie par les parties, notamment par la partie la plus faible. En effet, les parties qui acceptent de signer une clause compromissoire doivent savoir qu'en cas de litige, l'arbitrage coûtera extrêmement cher à l'entreprise, la partie la plus riche se trouvant de facto disposer d'un avantage souvent déterminant. En clair, l'arbitrage peut, s'il n'est pas contrôlé et strictement encadré, se révéler un instrument redoutablement efficace et dangereux de prédation au service des plus riches et des plus forts au détriment des plus faibles.

C'est bien cette nécessité de mettre en place des mécanismes d'arbitrage adaptés aux réalités économiques, mécanismes qui donnent le primat à la règle de droit, et non pas à celle de l'argent, qui a conduit au succès de l'arbitrage OHADA et qui conduit aujourd'hui à la mise en place du programme OHADAC.

L'arbitrage OHADA bénéficie en outre d'un contrôle juridictionnel sécurisant pour les parties, celui de la CCJA OHADA, qui veille scrupuleusement au strict respect des principes fondamentaux de l'arbitrage que sont notamment l'impartialité et l'indépendance des arbitres. Ce contrôle juridictionnel manque à la plupart des autres grands systèmes d'arbitrages internationaux. Quant au programme OHADAC actuellement mis en œuvre par les grands juristes caribéens de l'association ACP LEGAL, en partenariat avec la prestigieuse Association Henri CAPITANT et la Fondation pour le Droit Continental, il mettra en place des garde fous très stricts sur cette question centrale des conflits d'intérêt, tout arbitre défaillant dans ses obligations de révélation voyant alors ses décisions annulées et sa responsabilité mise en cause.

Le site www.ohada.com forme enfin le vœu que cette malheureuse affaire d'arbitrage AAA ICDR qui trouve son aboutissement avec l'Arrêt de la Cour d'Appel du 14 octobre 2014 fasse évoluer les pratiques des arbitres et amène les centres d'arbitrages à être des garants stricts de l'éthique arbitrale. Il ne doute pas que l'arbitrage américain AAA ICDR sera dorénavant plus attentif au respect de ses statuts en matière d'obligations de révélation des arbitres et que, au-delà des pétitions de principe, la communauté des arbitres attachera de manière plus concrète une importance accrue à ces questions centrales que sont l'indépendance et l'impartialité au-dessus de tout soupçon des arbitres.

Lire l'Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 14 octobre 2014

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