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Etats et arbitrage national et international / Aptitude des Etats et des personnes morales de droit public à compromettre

  • 05/01/2015
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Votre site www.ohada.com avait publié le 23 décembre 2014 une lettre d'information intitulée « De grands dangers de l'arbitrage pour les Etats / Recommandations du site www.ohada.com aux Etats », publiée dans l'ensemble des langues officielles des Etats OHADA.

Plusieurs internautes ont salué cette lettre d'information qui visait à rappeler, à la lumière de lourdes condamnations récentes, les risques de ce mode privé de résolution des litiges qu'est l'arbitrage pour les Etats. Par ailleurs, en cas de contentieux arbitral impliquant un Etat, la lettre d'information insistait sur l'importance du choix de la personnalité des arbitres et recommandait, dans le cas des arbitrages OHADA, de solliciter la nomination du troisième arbitre, Président du tribunal arbitral, par la CCJA OHADA.

D'autres internautes, souvent issus des Barreaux, se sont étonnés d'une position qu'ils ont jugé trop restrictive et à contre-courant d'une évolution générale favorable à l'arbitrage, encouragée dans sa philosophie par la réforme OHADA, qui a, comme cela avait d'ailleurs été rappelé dans la lettre d'information, ouvert l'âge d'or de l'arbitrage en Afrique.

Certains ont enfin souhaité voir le site www.ohada.com apporter un éclairage de droit comparé sur la question de l'« arbitrabilité subjective » en matière d'arbitrage, en l'espèce l'aptitude des Etats à compromettre.

C'est pour répondre à ce dernier souhait que votre site www.ohada.com vous apporte les éléments d'information (de droit comparé) infra sur l'aptitude des Etats, et plus généralement des personnes morales de droit public, à compromettre dans le cas de la France (1) et des Etats Unis et de l'Angleterre (2).

1. FRANCE

(1a) Arbitrage interne

Comme cela était souligné dans la lettre d'information du 23 décembre 2014, le droit français pose un principe d'interdiction faite aux personnes morales de droit public de compromettre. L'article 2060 du Code civil dispose en effet que :

« On ne peut compromettre (…) sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public.

Toutefois, des catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre. »

Le principe selon lequel l'Etat ne peut pas compromettre en matière d'arbitrage interne a été entériné par la jurisprudence. Dans l'avis de principe Eurodisneyland en date du 6 mars 1986, le Conseil d'Etat a ainsi précisé :

« Les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d'un arbitre la solution des litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent à des rapports relevant de l'ordre juridique interne. »

Les exceptions à la règle selon laquelle l'Etat ne peut pas compromettre sont énumérées à l'article L. 311-6 du Code de Justice Administrative. Il s'agit, entre autres, de situations suivantes :

  • Certaines catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial (E.P.I.C.) sont autorisées à compromettre par décret (cf. Article 2060 du Code Civil mentionné ci-dessus).
  • L'Etat et les collectivités locales peuvent recourir à l'arbitrage pour les litiges nés en matière de travaux publics et de contrats de fourniture.
  • Les établissements publics à caractère scientifique et technologique peuvent recourir à l'arbitrage en cas de litiges nés de l'exécution de contrats de recherche passés avec des organismes étrangers après approbation du conseil d'administration.
  • L'Etat est autorisé à recourir à l'arbitrage pour mettre en œuvre la procédure de retour d'un bien culturel à condition que le propriétaire, le possesseur ou le détenteur ait donné son accord.
  • La SNCF, le Réseau Ferré de France et La Poste sont habilités à compromettre.

D'autres exceptions sont également prévues par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat public privé.

L'article 9 de la loi n° 86-972 du 19 août 1986 portant dispositions diverses relatives aux collectivités locales autorise, par dérogation à l'article 2060 du Code civil, l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics à souscrire des clauses compromissoires dans les contrats qu'ils concluent conjointement avec des sociétés étrangères pour la réalisation d'opérations d'intérêt national en vue du règlement, le cas échéant des litiges liés à l'application et l'interprétation de ces contrats.

Arbitrage international

Les restrictions apportées en matière d'arbitrage interne à la capacité de l'Etat et des personnes morales à compromettre sont écartées en matière d'arbitrage international. La décision phare est celle rendue le 2 mai 1966 dans l'affaire Galakis, où la Cour de cassation a jugé que l'interdiction faite à Etat de compromettre n'était pas applicable « à un contrat international passé pour les besoins et dans des conditions conformes aux usages du commerce maritime ».

La solution a été régulièrement reprise depuis lors par la jurisprudence. Elle s'applique, en matière d'arbitrage international, à toutes les personnes morales de droit public, françaises ou étrangères.

Néanmoins, il doit être souligné que les autorités publiques françaises restent très prudentes et sont par principe réticentes à engager l'Etat dans la signature de clauses compromissoires.

Pour plus d'information sur le droit français régissant la capacité de l'Etat à compromettre, voir le Mémento Pratique Francis Lefebvre, Droit commercial aux numéros 17212, 70760 à 70766 et 71323, Auteur : Barthélémy MERCADAL.

(2) ETATS-UNIS et ANGLETERRE

Sous toute réserve, il ne semble pas exister, aux Etats-Unis ou en Angleterre, de règles qui interdiraient à l'Etat ou aux personnes morales de droit public de compromettre.

Ni le « Federal Arbitration Act », ni le « English Arbitration Act » de 1996 ne contiennent de dispositions à ce sujet (cf. Born, International Commercial Arbitration, Kluwer Law International 2014, p. 964-969).

Les Etats-Unis et l'Angleterre ont par ailleurs ratifié la Convention CIRDI du 18 mars 1965, ce qui manifeste que ces deux Etats admettent que les litiges qui les mettent en cause sont arbitrables (cf. Fouchard, Gaillard, Goldman, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec 1996, para. 548, p. 339).

Reste cependant la question de l'« arbitrabilité objective », c'est-à-dire celle consistant à savoir si tel ou tel litige ou telles ou telle matière peut faire l'objet d'une procédure arbitrale dans l'Etat en question.

En Angleterre, par exemple, les litiges relevant du droit pénal, les questions liées au divorce ou à la planification territoriale, ne sont a priori pas arbitrables (cf. Dahlberg, Welsh, Arbitration Guide, IBA Arbitration Committee, England and Wales, April 2012, p. 5).

Aux Etats-Unis, les tribunaux américains tendent à considérer que tout litige est arbitrable à moins qu'une loi fédérale ne prévoie expressément le contraire (cf. Born, International Commercial Arbitration, Kluwer Law International 2014, p. 964 et seq.).

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Votre site www.ohada.com espère que ces éléments mettent en perspective les recommandations formulées aux Etats dans la lettre d'information du 23 décembre 2014. S'il est vrai que le recours à l'arbitrage par des personnes morales de droit public et ou des Etats tend à se retrouver de plus en plus dans différents pays de la planète, les responsables des Etats d'Afrique doivent être conscients des risques encourus par leur pays lorsque ce dernier est engagé dans des clauses d'arbitrage. En tout état de cause, la plus extrême vigilance s'impose sur le choix des arbitres, qui doivent être des personnalités de tout premier plan s'étant illustrées d'une façon ou d'une autre au service du continent.

Concrètement, lorsque, en connaissance de cause et après en avoir mesuré les risques, les Etats décident de s'engager dans l'arbitrage, ils doivent, nous semble-t'il, privilégier systématiquement l'arbitrage institutionnel sous l'égide de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA. Cela leur permet de préserver au mieux les intérêts de leur pays grâce aux garde-fous institués par le législateur OHADA.

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