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Afrique : le droit au service des affaires

  • 06/10/2015
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Le droit Ohada (Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires) a déjà été adopté par dix-sept pays d'Afrique équatoriale francophone, facilitant l'installation d'entreprises locales et leur financement par des investisseurs étrangers.

imageLa Société Générale vient d'annoncer qu'elle allait allouer 4 milliards d'euros de fonds propres supplémentaires à ses activités en Afrique d'ici à 2016. Une décision symptomatique d'une tendance plus profonde : celle de l'émergence de l'Afrique comme continent d'opportunités économiques.

Si le continent ne trouve grâce aux yeux des investisseurs que depuis le début des années 2010, la transformation de l'Afrique a commencé il y a des décennies. En Afrique équatoriale francophone, une initiative a particulièrement joué en faveur de l'attractivité de la zone : l'Ohada, l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires.

« Lorsque l'on a créé l'Ohada, les économies des pays concernés étaient sinistrées », explique Dorothé Cossi Sossa, secrétaire permanent de l'Ohada et ancien ministre de la justice du Bénin. « L'objectif était d'améliorer la sécurité juridique et judiciaire dans nos pays pour encourager les entreprises à s'installer. » En 1993, un traité est signé. Aujourd'hui, 17 Etats appliquent ce droit, la République démocratique du Congo étant le dernier à avoir adhéré, en 2012. Le droit Ohada est formé de ce traité et de neuf actes uniformes, qui portent sur neuf domaines juridiques, du droit des sociétés à la comptabilité, en passant par les sûretés ou le droit de l'arbitrage.

« Le droit Ohada a facilité la possibilité de s'implanter d'un pays à un autre. Il a permis l'émergence de champions régionaux africains, souvent accompagnés par des fonds d'investissement », note Boris Martor, avocat associé du cabinet Eversheds LLP. Un avis que partage Aurélie Pujo, directrice juridique et de la conformité pour le fonds Amethis Finance : « Pour nous, le droit Ohada est un outil extraordinaire de stabilité, de connaissance et de prévisibilité du droit », explique-t-elle. En outre, « il est directement applicable dans tous les pays de la zone, même s'il y a des dispositions contraires dans le droit national », explique-t-elle. Et si le droit hors Ohada dépend de chaque gouvernement, « les Etats ont fait beaucoup d'efforts, notamment en termes de sécurisation des investissements et de fiscalité, en mettant notamment au point des accords bilatéraux permettant d'éviter la double imposition », détaille Aurélie Pujo.

Une zone monétaire stable en Afrique

En plus des actes uniformes, l'Ohada a mis en place tout un système judiciaire, créant notamment une Cour commune de justice et d'arbitrage. Malgré quelques réticences de départ, les investisseurs étrangers finissent par faire confiance à l'arbitrage de l'Ohada : « La cour est active et a rendu de nombreuses sentences, cela prouve qu'elle fonctionne bien », explique Aurélie Pujo.

D'autres organisations ont permis d'installer une certaine stabilité en Afrique équatoriale. Le traité de la Cima, signé en 1992 par 14 Etats qui appliquent tous le droit Ohada, harmonise le droit des assurances. L'UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) et la Cemac (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale), créées respectivement en 1962 et 1994, contribuent, quant à elles, à la stabilité monétaire de la zone. « L'Ohada a joué un rôle déterminant : aujourd'hui, la zone est fréquentable sur le point de vue économique », note le secrétaire permanent de l'organisation, Dorothé Cossi Sossa.

Un secteur bancaire qui attire les investisseurs

Plusieurs secteurs attirent aujourd'hui les investisseurs étrangers, avec en tête, le secteur bancaire et les assurances. « Les fonds d'investissement prennent d'ailleurs beaucoup de participations dans ces secteurs, car ils sont très structurants pour l'Afrique », note Pierre-Antoine Balu, conseiller de PwC pour l'Afrique francophone. Amethis Finance ne dira pas le contraire : le fonds a investi dans plusieurs entreprises du secteur depuis 2012, comme le groupe d'assurances NSIA en Côte d'Ivoire, Fidelity Bank ou UT Bank au Ghana ou encore Chase Bank au Kenya. « Tout ce qui est lié à l'urbanisation et à l'habitat a aussi du potentiel, de même que les télécoms. Il y a une vraie dynamique de consommation dans les environnements urbains », ajoute Pierre-Antoine Balu.

Selon les estimations d'Amethis Finance, la classe moyenne d'Afrique représentera 250 millions de personnes en 2040, un marché estimé à 2.000 milliards de dollars. Ce sera aussi l'un des principaux viviers de travailleurs au monde : selon McKinsey, le continent pourrait compter plus de 1,1 milliard de personnes en âge de travailler d'ici 2040, contre 500 millions environ aujourd'hui. Cependant, il reste encore des défis à surmonter pour le continent. « Le faible accès à l'énergie, et à l'électricité en particulier, est un frein majeur pour le développement économique et social de l'Afrique, explique Boris Martor. Dans la zone Ohada, le taux d'accès à l'électricité est d'environ 10 %. »

Pour Aurélie Pujo, « les grands freins en Afrique sont l'absence de régionalisation et le peu d'échanges commerciaux entre les pays. » Un avis que partage Pierre-Antoine Balu, de PwC : « L'Afrique est une zone très fragmentée. Les investissements intra-africains sont assez faibles, il y a peu d'échanges entre les régions car il y a encore une vraie complexité juridique, fiscale et douanière. Le droit Ohada va dans cette direction de standardisation des pratiques. »

Camille Prigent
www.lesechos.fr

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