Arbitrage / Conflit d'intérêt / Obligation de révélation des arbitres / CAMEROUN / ICDR
- 17/11/2013
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Première décision de cassation sanctionnant un conflit d'intérêts dont a été victime un Etat de l'espace OHADA dans une procédure d'arbitrage.
Nous faisons référence à nos précédentes lettres d'information des 14, 17 et 24 août 2013 ; des 03 et 15 septembre 2013 ; du 24 octobre 2013 et du 15 novembre 2013.
Dans le prolongement de son engagement à contribuer à la moralisation de l'arbitrage commercial international, votre site www.ohada.com a le plaisir de vous informer que l'une des affaires portées devant les juridictions françaises relatives au conflit d'intérêts dans une procédure d'arbitrage concernant un pays de l'espace OHADA (le Cameroun) a connu son épilogue le 23 mars 2013.
Par newsletter OHADA.com datée du 24 octobre 2013 (https://www.ohada.com/actualite/1987/arbitrage-conflit-d-interets-non-sanctionnes-des-arbitres-plaidoyer-en-faveur-de-modification-du-decret-n-2011-48-du-13-janvier-2011-portant-reforme-de-l-arbitrage.html), nous avons déjà porté à votre connaissance la décision de la Cour d'appel de Paris (https://www.ohada.com/uploads/actualite/1699/Arret-Affaire-Etat-du-Cam-c.-Garoube.pdf) sanctionnant, à l'initiative de l'Etat du Cameroun, le conflit d'intérêt massif entre un arbitre et un avocat (tous deux manifestement malmenés par les vagues de l'arbitrage TAPIE et TOTAL).
Par un attendu décisif, le collège des juges d'appel (Cour d'appel de Paris) avait retenu, le 21 février 2012, que même lorsque la procédure a été engagée devant une formation de trois arbitres, il faudrait considérer que « celui dont la partialité est suspectée a pu exercer son influence tant sur les conditions de déroulement de l'instance que sur l'opinion de ses collègues au cours du délibéré ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'efficacité juridique de la sentence n'est pas subordonnée à l'accord de tous les arbitres et qu'elle pourrait résulter de la seule signature du président est inopérant ». En d'autres mots, la Cour faisait remarquer que la suspicion fondée, légitime de partialité d'un arbitre suffit pour fonder une demande d'annulation d'une sentence arbitrale rendue par un collège de trois arbitres. Dans l'affaire ayant opposée l'Etat du Cameroun à l'entreprise Projet GAROUBE, la Cour d'appel remarquait déjà que le « parti pris dont témoigne le courrier de M. Estoup du 2 août 2010 et l'empressement de GAROUBE à favoriser les intérêts matériels de l'arbitre qu'elle avait choisi sont de nature à faire naître dans l'esprit du CAMEROUN un doute légitime sur l'indépendance et l'impartialité de ce dernier, peu important, à cet égard le sentiment exprimé par le président relativement à l'impartialité des deux autres membres du tribunal arbitral ».
La partie demanderesse s'était pourvue en cassation contre cet arrêt d'appel pourtant vecteur de « bon sens ». Les hauts magistrats du 5 Quai de l'horloge ont, sans surprise, rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt. La Cour a précisé qu' : « après avoir constaté que les lenteurs de l'instance arbitrale n'étaient pas imputables à l'Etat du Cameroun et avoir confronté ces trois lettres, en retenant que le parti-pris dont témoigne la lettre de M. X... et l'empressement de la société Projet pilote Garoube à favoriser les intérêts matériels de l'arbitre qu'elle avait choisie, étaient révélateurs des liens qui les unissaient, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, hors dénaturation et sans méconnaître le principe de la contradiction, que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a estimé que cet arbitre ayant manqué à ses obligations d'indépendance et d'impartialité, la composition du tribunal arbitral était irrégulière, de sorte que la sentence du 16 février 2010 devait être annulée ».
Cette affaire, qui a connu un dénouement heureux pour la victime du conflit d'intérêt dans l'arbitrage (Etat du Cameroun), rappelle une malheureuse affaire d'un arbitrage AAA / ICDR de conflit d'intérêt non révélé, patent et couvert par le centre d'arbitrage AAA / ICDR. Les rebondissements de cette affaire ont fait l'objet de plusieurs traitements dans les médias et de plusieurs lettres d'information sur votre site OHADA.com. L'arbitre unique, Me Henri Alvarez, qui avait démissionné après avoir rendu, en 2011, une sentence d'arbitrage partielle, était associé majeur dans le cabinet canadien FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP, en relations d'affaires intenses et non révélées avec les parties.
Malheureusement, le centre d'arbitrage AAA / ICDR avait, en dépit de ses règles statutaires très claires et en violation des principes les plus élémentaires de l'arbitrage, refusé de prendre acte du fait que Me Henri ALVAREZ était en situation de conflit d'intérêt. La Cour de cassation dans cette affaire opposant l'Etat du Cameroun à la société Projet GAROUBE précise au contraire que les obligations d'indépendance et d'impartialité incombant aux arbitres doivent être interprétées de la manière la plus stricte.
Ce dossier ICDR, ALVAREZ / FASKEN MARTINEAU qui porte un tort considérable à la crédibilité de l'arbitrage international fait actuellement l'objet d'une information judiciaire conduite par le Juge VAN RUYMBEKE. A noter que le nouvel arbitre qui avait été désigné par l'ICDR, Michaël LEE, Cabinet 20 ESSEX Street et ancien haut responsable du cabinet NORTON ROSE France, et qui a, à son tour, démissionné en août 2013 a lui même nié qu'il y avait le moindre problème de conflit d'intérêt dans ce dossier (lettre d'information du 17 août 2013).
Pour accéder à la décision de la Cour de cassation (pourvoi n°12-16.944), veuillez la télécharger.
Nous formons le vœu que les principes fondamentaux de l'arbitrage repris par cette jurisprudence française sanctionnant clairement les conflits d'intérêts d'intérêts non révélés par les arbitres et leurs cabinets d'avocats soit suivie par les juridictions de l'espace de l'OHADA, ce qui a toujours été le cas car c'est l'essence même de l'arbitrage qui est en jeu, mais également par l'ensemble des centres d'arbitrages, y compris AAA / ICDR.
Joseph KAMGA
Association pour l'Efficacité et le Développement de la Justice dans l'Espace OHADA
17/11/2013 20h15 ABDOU THIAM
Excellente décision.
Félicitations â toute l équipe du site ohada.com