Premières vues sur la médiation en droit OHADA
- 30/05/2018
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Le droit OHADA s'est doté, depuis quelques mois, d'un nouvel outil de règlement alternatif des litiges. Il s'agit de l'acte uniforme relatif à la médiation (AUM) adopté le 27 novembre 2017. Le but recherché est non seulement de promouvoir la pratique de la médiation à côté de l'arbitrage déjà bien ancré en OHADA, mais aussi et surtout de fournir un cadre juridique sécurisant à ceux qui souhaitent recourir à cette pratique. Les explications de Yvette Rachel Kalieu Elongo, professeur agrégée de droit privé, Université de Dschang, Cameroun.
Selon l'AUM, la médiation désigne « tout processus (...) dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d'un litige, d'un rapport conflictuel ou d'un désaccord (...) découlant d'un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des États ».
Les rédacteurs de l'acte uniforme se sont voulus précis et concis. Le texte comporte uniquement 18 articles répartis en 3 chapitres. Ce nouveau dispositif apporte des précisons sur deux aspects importants : le médiateur et la procédure de médiation.
Le statut du médiateur OHADA
Personnage central de la procédure de médiation, le médiateur désigne dans l'AUM, tout tiers sollicité pour mener une médiation quelle que soit l'appellation ou la profession de ce tiers dans l'État partie concerné. Il peut donc s'agir d'une personne physique ou morale telle qu'un centre de médiation. Il est choisi par les parties ou par un tiers soit directement lorsque les parties lui confient le soin de désigner le médiateur, soit indirectement lorsque le tiers recommande seulement des personnes pouvant être désignées médiateurs.
Le médiateur est soumis à des incompatibilités ; en particulier, il ne peut être ni l'arbitre ni l'expert dans un différend qui fait ou a fait l'objet de la procédure de médiation ou dans un différend né du même rapport juridique ou lié à celle-ci. Il est tenu à l'obligation de confidentialité (sauf exception). Le médiateur doit être indépendant, disponible et surtout impartial. À cet effet, Il est tenu à l'obligation de révéler les circonstances de nature à soulever des doutes sur son impartialité avant ou même après sa désignation. Il doit également être diligent dans la conduite de la procédure.
Pour ce qui est de sa rémunération, le médiateur perçoit des honoraires qui sont fixés, soit par les parties, soit par le tribunal lorsque la médiation est judiciaire, soit conformément au barème de l'institution arbitrale lorsque celle-ci est désignée. Dans tous les cas, cette rémunération est supportée par les parties à parts égales, sauf exception.
La procédure de médiation
La médiation peut être mise en œuvre par les parties, c'est la médiation conventionnelle ou sur demande ou invitation d'une juridiction étatique, c'est la médiation judiciaire. Elle peut être aussi l'œuvre d'un tribunal arbitral ou d'une entité publique compétente. Toutefois, l'AUM ne s'applique pas lorsqu'en cours d'instance judiciaire ou arbitrale, le juge ou l'arbitre tente un règlement amiable entre les parties. En revanche, l'AUM autorise les juges ou les arbitres à suspendre une procédure judiciaire ou arbitrale pour renvoyer les parties à la médiation.
Le recours à la médiation peut résulter, comme en matière d'arbitrage, d'une clause prévue dans une convention. Dans ce cas, la procédure est ouverte lorsque la partie la plus diligente met en œuvre la convention de médiation qu'elle soit écrite ou non. En l'absence de convention, l'une des parties peut toujours recourir à un médiateur après y avoir invité l'autre partie et obtenu son accord écrit. Il n'y a pas accord en l'absence d'acceptation de l'invitation écrite dans les quinze jours de la date de réception ou à l'expiration de tout autre délai qui y est spécifié.
La médiation peut être ad hoc ou institutionnelle. La procédure est alors conduite librement par le médiateur, à défaut d'une procédure définie par les parties qui peuvent même se référer à un règlement de médiation.
Le médiateur n'impose pas de solution aux parties, il peut leur en proposer, de même qu'il peut leur proposer le recours à un expert. Au cours de la procédure et si les circonstances l'imposent, le médiateur peut rencontrer les parties ensemble ou séparément sous réserve d'informer l'autre partie lorsqu'il rencontre l'une seul.
La procédure de médiation prend fin soit par un accord, soit en l'absence d'accord. Lorsqu'il y a accord, celui-ci doit être écrit et signé des parties et du médiateur si elles le demandent. L'accord a un effet obligatoire et est susceptible d'exécution forcée. Il peut faire l'objet d'un dépôt auprès d'un notaire ; il peut être soumis à l'homologation ou à l'exéquatur qui est en principe accordé sauf si l'accord est contraire à l'ordre public.
La médiation peut prendre fin sans que pour autant il y ait accord entre les parties Il revient soit au médiateur soit aux deux parties soit à l'une seulement de constater ou de déclarer l'absence d'accord à moins que la procédure ne prenne fin du fait de l'expiration des délais et s'il n'y a pas eu prolongation.
Avant l'avènement de l'AUM, il existait déjà dans l'espace OHADA quelques centres de médiation. L'avènement de cet acte uniforme va certainement contribuer à renforcer la crédibilité de ces centres et à favoriser un plus grand recours à la procédure de médiation.
Yvette Kalieu Elongo
www.actualitesdudroit.fr
01/02/2024 130131 LAILA
Bonjour, en quoi l'éfficacité de la médiation peut elle être compromises en droit OHADA?