L'attractivité du nouveau droit OHADA de l'Arbitrage
- 07/12/2018
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Il y'a un an, l'OHADA a procédé à l'adoption d'un nouvel Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage (AUDA) abrogeant ainsi l'Acte Uniforme du 11 mars 1997 jusqu'ici applicable. Cette réforme s'inscrit dans une perspective de promotion et de consolidation des modes alternatifs de règlements de différends illustrée par ailleurs par l'adoption d'un nouvel acte uniforme relatif à la médiation et d'une révision du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'arbitrage (CCJA).
Cette réforme du droit de l'arbitrage a pour objectif de rendre davantage attractif la « Place OHADA » en tant que mode de règlement de différends. Cette présentation met en relief le droit OHADA de l'arbitrage consolidé, tel qu'il résulte de la réforme, complété le cas échéant par le nouveau règlement d'arbitrage de la CCJA ainsi que l'Acte uniforme relatif à la médiation.
Il est suivi d'un tableau synoptique révélant les principales évolutions de la législation communautaire sur l'arbitrage.
Sécurité, flexibilité et efficacité semblent être la devise de ce nouveau droit de l'arbitrage OHADA. Cette devise anime les différentes phases du procès de l'accès à l'arbitrage au dénouement du procès (III)en passant par l'instance arbitrale (II).
L'Accès au droit de l'arbitrage OHADA : ouverture et sécurité
L'élargissement de l'offre d'arbitrage OHADA à l'arbitrage d'investissement
Outre l'ouverture classique du droit OHADA à tout arbitrage ayant son siège dans l'un de ses États parties et aux personnes morales de droit public, l'offre d'arbitrage OHADA étend son champ d'application matériel à l'arbitrage d'investissement. Celui-ci est généralement défini comme le forum arbitral qui accueille des différends opposant un État ou une de ses entités, et une entité privée étrangère réalisant une opération d'investissement dans cet État.
Si la mise en place du Centre International de Règlement de Différends relatifs aux investissements (CIRDI) semble s'inscrire dans cette perspective, d'autres fora se sont ouverts progressivement à ce contentieux. C'est dans cette perspective que le nouveau droit OHADA de l'arbitrage consacre les traités bilatéraux d'investissement (TBI) et les codes des investissements comme nouveaux fondements de son offre d'arbitrage. Cette avancée de l'AUDA est réitérée par le nouveau règlement d'arbitrage de la CCJA qui autorise expressément la Cour à administrer des procédures d'arbitrage fondées sur les TBI ou sur les législations nationales applicables aux investissements.
Il convient de noter qu'en pratique, la Cour d'arbitrage de la CCJA a accueilli plusieurs contentieux États-investisseurs sur la base d'une convention d'arbitrage notamment et ce, en l'absence de dispositions communautaires spécifiques y relatives. Dès lors, l'acceptation de ces nouveaux instruments ne fait que cristalliser et parachever l'évolution de la jurisprudence interne de la Cour et celle d'autres forums comme le CIRDI qui se sont désormais émancipés de la convention d'arbitrage comme unique offre d'arbitrage. L'offre d'arbitrage OHADA ainsi portée par l'AUDA corrélée au forum de la CCJA propose un gros avantage comparatif en ce qu'il est proche des États hôtes des investissements autant du point de vue géographique que du point de vue du système juridique OHADA auquel ils sont familiers. Cette évolution permet d'intégrer en pratique un large éventail du contentieux États-investisseurs de plus en plus croissant en ce qui concerne notamment les États africains devant les forums internationaux comme les démontre les statistiques ci-dessous :
Statistiques de la participation des par régions à l'arbitrage CIRDI au 31 Mai 2017 L'Afrique fait partie de 3 grandes régions qui participe à cet arbitrage. Source : ICSID
Statistiques de la participation des entités africaines (notamment des entités publiques) par régions à l'arbitrage CCI. Source : ICC
Dès lors, il est logique que le droit OHADA de l'arbitrage, autant dans son volet normatif (AUDA) qu'institutionnel (CCJA) se positionne en matière d'arbitrage d'investissements. Si l'acceptation des instruments juridiques relatifs aux investissements et la mise en place de certaines garanties institutionnelles corrélatives par la CCJAcaractérisent une ouverture certaine de l'offre d'arbitrage OHADA, il importe de consolider cette tendance autant par des arguments substantiels (définition des notions d'investissement, d'investisseur, etc.) que procéduraux (transparence de la procédure, admission des amicus curiae, etc.).
L'ouverture de l'offre d'arbitrage aux autres modes de règlement de différends : le cas de la nouvelle offre de médiation OHADA
L'offre alléchante d'arbitrage OHADA ne fait pas échec aux autres modes alternatifs de règlement de différends. Elle ne saurait en l'occurrence résister à l'existence d'une étape de résolution de différend préalable. En ce cas, le tribunal saisi suspend la procédure en attendant l'accomplissement de cette étape ou constate l'échec le cas échéant.
L'exemple de la médiation est tout à fait édifiant d'autant plus que celle-ci fait désormais l'objet d'une législation uniforme dans l'espace OHADA. De prime abord, il convient de noter que celle-ci ne s'applique pas à la médiation entreprise volontairement par un tribunal arbitral dans le but d'offrir un règlement amiable de leur différend. En effet, l'Acte uniforme relatif à la médiation (AUM) régit ainsi la médiation institutionnelle ou ad hoc,conventionnelle, ou impliquant l'intervention d'un tiers, procédure autonome de règlement de différends, ou étape préalable à un mode de règlement arbitral. Dans ce dernier cas, l'AUM complétant, l'AUDA, dispose de façon non équivoque qu'« aucune procédure arbitrale ou judiciaire relative à un différend déjà né ou qui pourrait naitre ultérieurement, il est donné effet à cet engagement par le tribunal arbitral ou la juridiction étatique jusqu'à ce que les conditions dont il s'accompagne aient été satisfaites ».
Cette procédure ne fait pas obstacle, précise le texte, à l'engagement d'une procédure parallèle aux fins conservatoires ou provisoires qui ne peut être considérée au demeurant comme une renonciation à la médiation ou sa clôture. L'accord issu de la médiation est susceptible d'exécution forcée et peut être exéquaturée ou homologuée par la juridiction compétente et repris sous forme de sentence d'accord parties par le tribunal arbitral alors compétent. Cette disposition démontrant l'efficacité de la médiation OHADA et le dialogue institutionnel entre modes de règlement de différend s'applique d'ailleurs aux procédures de médiation engagées sans qu'à une procédure arbitrale ne soit en cours.
Le déroulement de l'instance arbitrale : fiabilité, flexibilité et rapidité
Le droit OHADA de l'arbitrage propose une procédure arbitrale fiable, flexible et réalisée dans des délais compétitifs.
L'AUDA propose un arbitrage qui bénéficie d'un appui institutionnel de la CCJA. Sans que les parties soient tenues d'opter pour le règlement d'arbitrage la CCJA, elles ont la possibilité de bénéficier de l'appui de cette institution. Il en est ainsi lorsque la procédure de récusation d'un arbitre n'est pas prévue par les parties ni réalisé par la juridiction compétente dans un délai de 30 jours, cette dernière est dessaisie et la demande de récusation peut être portée devant la CCJA. Celle-ci demeure exclusivement compétente en cas de pourvoi contre une décision de rejet de la demande de récusation. Également, en cas de décision judiciaire devenue possible à la suite d'une convention d'arbitrage manifestement nulle ou inapplicable, la CCJA demeure l'unique instance compétente pour recevoir un pourvoi en cassation contre ladite décision.
La fiabilité de la procédure arbitrale est assurée par l'obligation d'indépendance et des arbitres légalement consacrée. Une telle exigence permet notamment d'écarter les conflits d'intérêts et conduit ainsi les arbitres à se récuser le cas échéant. Les parties bénéficient en outre d'un traitement égalitaire durant l'instance, leur permettant de faire valoir leurs droits respectifs. Les parties litigantes sont reçues indifféremment de la qualité ou du statut de la partie litigante. La fiabilité et la flexibilité de la procédure se mesurent également par l'ouverture aux usages du commerce international comme droit applicable au fond en cas de silence des parties dans le choix de ce droit. Du point de vue des règles procédurales, les parties peuvent se référer au règlement d'un centre d'arbitrage de leur choix ou déterminer une loi de procédure qui leur convient. Ces dispositions permettent de constater l'ouverture de la « Place OHADA » aux « droits hors OHADA » et aux meilleures pratiques internationales en matière d'arbitrage.
L'exigence de célérité de la procédure arbitrale se manifeste à travers des délais compétitifs proposés par la « Place OHADA » à toutes les étapes de la procédure. On peut noter ainsi qu'en cas de désaccord des parties ou d'insuffisantes stipulations contractuelles sur la nomination des arbitres, les parties ont un délai entre 30-75 jours pour le faire avec l'intervention le cas échéant de la juridiction compétente dans l'État-partie. De même, la mission du tribunal arbitral constitué doit pouvoir se faire dans un délai de 6 mois sauf accord conventionnel contraire. Les parties ont néanmoins la possibilité de proroger le délai légal ou conventionnel. Plus généralement, les parties sont invitées à agir avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure et sont tenues de s'abstenir de manœuvres dilatoires sous peine de sanctionner la partie défaillante et de clôture de la procédure le cas échéant.
Le dénouement de la procédure : sécurité et efficacité
Le droit OHADA de l'arbitrage offre un dénouement de la procédure arbitrale gagée de sécurité et d'efficacité.
Qu'elle soit le résultat d'un accord entre les parties durant la procédure ou une décision du tribunal saisi, la sentence arbitrale est motivée et dispose de l'autorité de la chose jugée dès qu'elle estrendue. Cette sentence peut être assortie d'une exécution provisoire pour permettre aux parties de bénéficier rapidement des effets de la décision rendue sans épuiser toute la procédure notamment les différents recours pouvant la rattraper. Cette exécution provisoire reste valable même lorsqu'un recours en annulation est formé contre la sentence en cause.
En règle générale, la sentence arbitrale doit être exéquaturée pour recevoir une exécution forcée. La décision relative à la demande d'exequatur est obtenue devant la juridiction compétente dans l'État-partie dans un délai de 15 jours, réputée acquise en cas de silence de la juridiction saisie, durant ce délai. Elle est susceptible de pourvoir en cassation uniquement devant la CCJA lorsqu'elle est seulement négative.
La sentence ainsi rendue n'est pas susceptible d'opposition, d'appel ni de pourvoi en cassation. Elle peut néanmoins faire l'objet de révision ou d'unrecours en annulation devant la juridiction compétente dans l'État-partie dont la décision n'est susceptible de pourvoi en cassation que devant la CCJA. La flexibilité de la procédure arbitrale OHADA résulte du fait que des clauses de renonciation au recours en annulation peuvent êtreprévues par les parties à condition qu'elles ne soient contradictoires à l'ordre public international.
Le nouveau droit communautaire de l'arbitrage place ainsi l'espace OHADA comme une nouvelle place de l'arbitrage international fort attractive notamment pour les investisseurs étrangers en Afrique.
Tableau synoptique des principales évolutions législatives
Points saillants | AU 1997 | AU 2017 | Intérêts |
---|---|---|---|
Fondements de l'arbitrage | Convention d'arbitrage | Convention d'arbitrage - Traités bilatéraux d'investissements - Code des investissements | Extension offre d'arbitrage |
Définition de la convention d'arbitrage | Pas de définition | Nouvelles définitions du compromis et de la clause compromissoire | Sécurité juridique, intelligibilité du droit |
Efficacité de la clause multi-tiers | Nouvelles dispositions | Meilleure articulation des modes alternatifs de règlement de différends | |
Principes directeurs du procès | Nouvelles dispositions relatives à l'indépendance, la célérité et à la loyauté | Garantie de procès équitable | |
Délai d'exequatur | Raccourcissement de délais à 15 jours | Célérité procédurale | |
Délai du traitement du recours en annulation | Pas de précision | 3 mois | Efficacité de la sentence arbitrale |
Clause de renonciation au recours en annulation | Nouvellement consacrée | Efficacité de la sentence |
Par Mouhamed KEBE
Avocat, Arbitre CCJA,
Membre de la Cour d'Arbitrage de la CCI
Managing Partner, GENI & KEBE
Afrimag N° 124 - novembre 2018 dans A la une, Droit des affaires
afrimag.net
03/06/2023 12h55 CHRISTIAN ZIHALIRWA
Merci beaucoup pour cette initiative pour ne pas dire éclairage.