OHADA / Guinée / la mise en place d'un Tribunal de Commerce à Conakry, l'analyse de Me Hamidou DRAMÉ, Avocat au Barreau de Guinée
- 27/03/2019
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Annoncé depuis 2017, le Tribunal de Commerce de Conakry a été inauguré le 20 mars 2019. La mise en place de ce Tribunal répond aux critiques des acteurs économiques sur la lenteur des procédures et la qualité des décisions judiciaires. Avec une compétence spéciale, le Tribunal s'occupe principalement des différends commerciaux qui naissent dans la zone de Conakry. Les formations de jugement sont composées entre autres de juges non professionnels appelés juges consulaires, qui sont élus par les organisations professionnelles du secteur privé. Pour autant, cette nouvelle juridiction doit faire face à plusieurs défis afin de répondre aux attentes qui justifient sa création.
Le Tribunal de Commerce de Conakry (le « Tribunal ») a été prévu par la loi L/2017/033/AN/SGG du 4 juillet 2017 portant création, organisation et fonctionnement du tribunal de commerce de Conakry (la « Loi »). Cependant, faute de moyens financiers et matériels, le Tribunal n'était pas fonctionnel. Le contentieux des affaires à Conakry était toujours géré par les trois tribunaux de première instance de la capitale. Cette situation va bientôt changer suite à l'inauguration du Tribunal le 20 mars 2019. Le démarrage effectif de ses activités est prévu pour les prochaines semaines.
Les justifications pour la création du Tribunal de Commerce
Selon le rapport Doing Business de 2019 de la Banque Mondiale, l'indice de la qualité des procédures judiciaires est de 5 sur une échelle de 18 en Guinée, alors que la moyenne en Afrique sub-saharienne est de 6.7. Il est aussi indiqué qu'il faut en moyenne 311 jours pour l'exécution d'un contrat devant un tribunal de première instance à savoir du début des poursuites jusqu'aux actes d'exécution.
Avec la mise en place du Tribunal, la Guinée souhaite améliorer la sécurité et la célérité judiciaires pour le règlement des litiges commerciaux. Cette nouvelle juridiction s'inscrit dans la dynamique des Etats membres de l'OHADA pour la création de tribunaux spécialisés concernant la gestion du contentieux des affaires.
La compétence du Tribunal
Conformément à la Loi précitée, le Tribunal est compétent pour statuer en premier ressort sur les différends commerciaux qui naissent dans la zone spéciale de Conakry. Cela signifie que les jugements du Tribunal peuvent être déférés par voie d'appel devant la Cour d'Appel de Conakry pour un nouvel examen du dossier.
S'agissant de la compétence matérielle, le Tribunal statue sur les contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants, aux sociétés commerciales, aux établissements de crédits et aux procédures collectives d'apurement de passif.
En ce qui concerne les actes mixtes, la Loi souligne que la partie demanderesse non commerçante peut saisir le Tribunal civil sans autre précision. Si la compétence territoriale du Tribunal est précisée par la Loi, il convient de noter que la valeur du litige pour la compétence du Tribunal n'est pas définie. Le Tribunal est donc compétent quel que soit le montant du litige à condition que sa nature concerne les éléments de sa compétence matérielle cités ci-dessus.
Par ailleurs, il faut relever que le Tribunal sera en charge du registre du commerce et du crédit mobilier géré auparavant par le Tribunal de première instance de Kaloum.
Des règles de procédures basées sur les Actes uniformes et le Code de procédure civile
La Loi renvoie vers les dispositions prévues dans les Actes uniformes OHADA et dans le Code de procédure civile économique et administrative (CPCEA) en ce qui concerne la procédure devant le Tribunal. En outre, il convient de relever que la Loi n'a pas prévu une tentative de conciliation obligatoire devant ce Tribunal, étape qui peut être décisive pour le règlement des litiges commerciaux.
Une organisation marquée par l'arrivée des juges consulaires
Si le Tribunal sera présidé par un magistrat de carrière accompagné par trois présidents de section, juges professionnels, la Loi prévoit que les formations de jugement sont composées entre autres de juges non professionnels appelés juges consulaires. Ces derniers sont élus pour trois (3) ans par un collège électoral composé de représentants des organisations professionnelles du monde du commerce, de l'industrie et de l'artisanat.
Cette ouverture de la justice commerciale à des juges non professionnels, mais dotés d'une grande expérience dans la gestion des sociétés commerciales ou d'organisations du secteur privé, marque une nouvelle étape dans le règlement des litiges commerciaux en Guinée. Il est donc attendu des décisions judiciaires d'une grande qualité.
La nécessité d'allouer des moyens pour un fonctionnement effectif du Tribunal
Néanmoins, pour l'atteinte des objectifs assignés à ce Tribunal, le Ministère de la Justice et ses partenaires dont la Société Financière Internationale doivent appuyer le Tribunal pour le renforcement des ressources matérielles et la formation continue du personnel. Dans ce sens, le Tribunal de Commerce d'Abidjan est un modèle à suivre pour une justice commerciale qui répond aux aspirations des acteurs économiques.
Hamidou D. Dramé,
Avocat au Barreau de Guinée, Guilex Avocats
Email : hdrame@guilex-avocats.com
01/04/2019 101021 JEAN PIERRE GENTON
Après le BENIN, la GUINEE a recours à des juges non professionnels, dit consulaires; A ce titre, l'expérience française, où la justice commerciale est rendue par des tribunaux composés exclusivement de juges consulaires (élus par leur pairs), pourrait être utile...
Jean-Pierre GENTON, délégué national pour la formation des juges consulaires en France