Code européen des affaires : une chance pour l'Europe
Veille par Julien Fouchet avocat au barreau de Bordeaux, cabinet Cornille-Fouchet-Manetti. président de l'Association pour l'Unification du Droit des Affaires en Europe (AUDE)
« L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait », déclarait Robert Schuman dans sa célèbre Déclaration du 9 mai 1950.
74 ans après, tout porte à croire que le Code européen des affaires sera une de ces réalisations concrètes Facteur de simplification, de souveraineté économique et de compétitivité, le Code européen des affaires constituera le 28e régime donnant envie aux entreprises européennes de projeter une activité économique au-delà des frontières nationales.
Toutes les entreprises européennes bénéficieront pleinement du marché unique européen de 450 millions d'habitants.
C'est à égalité des armes qu'elles se feront concurrence et avec sécurité uniquement en cas de litige. Plus précisément, ces entreprises européennes bénéficieront demain d'outils tels que la société européenne simplifiée, le prêt européen, une émission d'obligation européennes, la cession européenne de créances etc.
Mario Draghi et Enrico Letta, deux anciens présidents du Conseil italien, ne s'y sont pas trompés. Pour le premier, « une coopération renforcée sous la forme d'un 28e régime pourrait permettre à l'Union des marchés de capitaux de mobiliser des investissements » selon son discours a la Conférence de haut niveau sur le pilier européen des droits sociaux à Bruxelles le 16 avril 2024. Pour le second, « Nous pouvons penser qu'un code européen du droit des affaires constituerait une étape transformatrice vers un marché unique plus unifié, offrant aux entreprises un 28e régime pour opérer au sein du marché unique. Il s'attaquerait directement à la mosaïque actuelle de réglementations nationales et la surmonterait, agissant comme un outil clef pour libérer tout le potentiel de la libre circulation au sein de l'Union », selon son rapport « Much more than a Market » du 18 avril 2024
Enrico Letta le décrit comme le « Saint Graal » permettant d'évoluer, sans tuer les « Quatre Libertés » d'après un article du Financial Times « The stratégie crossroads for the EU's single market » du 8 février 2024. II souligne la nécessité d'éviter une mosaïque de 27 ensembles de règles différentes notamment en termes d'innovations technologiques : « Il est très difficile pour une [petite ou moyenne entreprise] de dire : OK, ¡e travaille dans 27 langues différentes. 27 [systèmes de] droit des affaires, 27 systèmes de fiscalité ... vous ne disposez pas d'un cabinet juridique de 50 personnes qui vous le permette ».
Force est de constater que le Code permettra plus d'intégration et de réglementation commune, a l'instar de l'Uniform Commercial Code (UCC) des Etats-Unis, composé seulement de quelques articles, visant à uniformiser le droit de la vente et le droit des transactions commerciales dans les 50 États ou encore des Actes Uniformes du droit OHADA en Afrique.
Or justement ce processus de codification officielle a été décidé par les institutions européennes dans raccord institutionnelle « Mieux légiférer » du 20 décembre 1994 (JOCE C 102, 4 av. 1996, p. 2).
C'est pourquoi la Commission européenne a porté un regard bienveillant à l'égard du projet, selon le Livre Blanc sur l'avenir de l'Europe (not. p. 21). dans lequel elle rappelait qu' « Un groupe de pays travaille on collaboration et convient d'un “Code de droit des affaires” commun unifiant le droit des sociétés, le droit commercial et des domaines connexes, qui aide les entreprises de toute taille a exercer facilement leurs activités au-delà des frontières ». Ce groupe de travail vient de remettre ses travaux provisoires sur le Code à cette dernière (V. codeeuropeendesaffaires.eu et henricapitant.org).
Désormais, plusieurs partis politiques ont intégré le projet dans leur programme pour les élections européennes de 2024 (V. JCP G 2024, act. 616, act. 617, act. 618, doctr. 639, dossier spécial Élections européennes)
Le champ des possibles est ouvert pour le droit des affaires en Europe. Nul doute que ce Code renforcera la construction d'un espace économique accessible en achevant la réalisation d'un pont entre les libertés économiques des pères fondateurs de l'Union et la citoyenneté européenne des entrepreneurs, dont le statut trentenaire n'est pas jugé suffisamment fondamental pour être acquis ad vitam aeternam (CJUE, 9 juin 2022, aff. C-673/20 ; CJUE, 18 avr. 2024, aff. C-605/21 ; CJUE, 25 avr. 2024, aff. C-716/2 ; CJUE, 8 nov. 2022, aff. C-684/22 à C-686/22).
Source : La Semaine Juridique Edition Générale n° 21. 27 mai 2024. Doctr. 674