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Questions pertinentes sur la présentation concernant « Le Processus d'adhésion du Burundi à l'OHADA »

Questions pertinentes sur la présentation concernant « Le Processus d'adhésion du Burundi à l'OHADA »
Par Maître Abdoul Mtoka, Avocat associé chez Africase Attorneys
Colloque sur les Perspectives d'extension de l'OHADA Université Jean Moulin (Lyon 3), 15 quai Claude Bernard, Lyon, France

1. Quels sont les principaux avantages pour le Burundi de rejoindre l'OHADA en termes d'amélioration du climat des affaires ?

L'adhésion à l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) offrirait au Burundi un cadre juridique harmonisé et moderne en matière de droit des affaires, reconnu à l'échelle internationale. Cela renforcerait la sécurité juridique et encouragerait les investissements étrangers, tout en facilitant les transactions commerciales grâce à des règles communes avec les autres États membres. De plus, cela permettrait une meilleure protection des créanciers et des investisseurs, et améliorerait la transparence dans les affaires.

2. Quels défis spécifiques le Burundi pourrait-il rencontrer lors de l'application des textes de l'OHADA, notamment en raison de son cadre juridique et judiciaire actuel ?

Le principal défi sera l'alignement du cadre juridique burundais sur les normes OHADA. Cela implique une révision de certaines lois nationales en matière de droit des affaires, ainsi qu'une formation des acteurs juridiques et économiques locaux pour qu'ils maîtrisent le droit OHADA. Le Burundi pourrait aussi rencontrer une certaine résistance au changement de la part des juristes et des juges habitués à appliquer le droit national.

3. Quelles réformes législatives, réglementaires et institutionnelles le Burundi a-t-il déjà entreprises ou devrait-il entreprendre pour préparer son adhésion à l'OHADA ?

Le Burundi a déjà entrepris, en particulier à partir des années 2010, plusieurs réformes pour améliorer son climat des affaires, notamment dans les domaines du droit des sociétés, du droit commercial en général et de l'investissement. Toutefois, pour adhérer pleinement à l'OHADA, il devra ratifier le traité OHADA qui permettra l'incorporation en droit interne de tous les actes uniformes de l'OHADA, réformer en conséquence son cadre législatif et réglementaire pour l'harmoniser avec le nouveau droit des affaires désormais en place et ajuster ses institutions judiciaires pour assurer la mise en œuvre effective des actes uniformes. La formation des magistrats et des avocats au nouveau droit sera aussi nécessaire, afin de garantir l'application correcte des textes OHADA.

4. Comment l'adhésion à l'OHADA pourrait-elle influencer les relations commerciales régionales et internationales du Burundi, notamment avec les pays non-membres de l'OHADA ?

L'adhésion du Burundi à l'OHADA améliorerait ses relations commerciales avec les États membres de l'organisation, offrant un cadre juridique harmonisé et sécurisé. Cependant, le Burundi pourrait aussi capitaliser sur sa proximité géographique avec des pays voisins comme le Rwanda, la Tanzanie, le Kenya, et même l'Afrique du Sud, qui ne sont pas membres de l'OHADA. En se positionnant comme un intermédiaire entre ces pays et les États membres de l'OHADA, le Burundi pourrait jouer un rôle stratégique pour faciliter les échanges économiques.

Le Burundi pourrait offrir aux entreprises de ces pays un accès simplifié et juridiquement sécurisé aux marchés régulés par le droit OHADA, devenant ainsi un pont entre l'Afrique de l'Est et l'Afrique centrale et de l'Ouest. Par exemple, les entreprises rwandaises, tanzaniennes, kényanes et sudafricaines pourraient utiliser le Burundi comme une plaque tournante pour structurer leurs investissements et développer leurs transactions dans la zone OHADA. Ce rôle de facilitateur pourrait attirer des investissements régionaux au Burundi, développer ses services logistiques, financiers et juridiques, et en définitive renforcer son positionnement stratégique.

Toutefois, pour concrétiser cette ambition, le Burundi devra non seulement assurer une stabilité politique durable mais aussi investir dans des infrastructures adéquates (transport, communication) pour soutenir ces échanges commerciaux. En outre, la mise en place d'un cadre réglementaire attractif pour les entreprises de ces pays, notamment en matière fiscale et commerciale, serait nécessaire pour garantir le succès de ce positionnement. Jouer ce rôle central permettrait au Burundi de devenir un levier de développement économique à travers un renforcement des échanges et des flux économiques entre l'Afrique de l'Est, l'Afrique australe et la zone OHADA.

5. Quel rôle joue la résistance judiciaire, en particulier celle de la Cour Suprême du Burundi, dans le processus d'adhésion, et comment peut-elle être surmontée ?

La Cour Suprême du Burundi pourrait effectivement exprimer des réticences face à l'adhésion à l'OHADA, en partie parce que cette adhésion entraînerait une perte de certaines de ses prérogatives. Non seulement la Cour suprême perdrait son rôle dans l'interprétation des textes de droit des affaires, mais elle ne serait plus compétente pour résoudre les litiges commerciaux qui relèveraient désormais de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA. Cela constitue une modification majeure de l'ordre juridique national, et pourrait engendrer des résistances institutionnelles.

Pour surmonter cette résistance, il est essentiel de sensibiliser les juges et les praticiens du droit à l'importance de l'harmonisation régionale et aux avantages que l'OHADA apporte en matière de sécurité juridique et d'attractivité économique. Une approche clé serait d'intégrer la Cour Suprême dans les discussions sur le processus d'adhésion, et de clarifier que, bien que la juridiction des affaires soit transférée à la CCJA, la Cour Suprême conserverait ses compétences dans tous les autres domaines juridiques nationaux. Un programme de formation sur le droit OHADA pour les magistrats pourrait également aider à dissiper les inquiétudes et à préparer les acteurs judiciaires à ce nouveau cadre.

6. En quoi l'adhésion à l'OHADA pourrait-elle constituer une opportunité pour le Burundi de renforcer son développement économique, notamment en bénéficiant de l'expertise juridique partagée au sein de l'organisation, tout en s'intégrant dans des dynamiques régionales comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ?

Pour le Burundi, son adhésion à l'OHADA constitue, en effet, une opportunité stratégique majeure pour renforcer son développement économique, loin d'être un fardeau ou une menace pour son cadre juridique et juridictionnel existant. Cette intégration permettrait au pays de bénéficier d'une juridiction supranationale spécialisée, reconnue pour sa capacité à résoudre les litiges commerciaux de manière impartiale et professionnelle. S'appuyant sur une jurisprudence riche, bien élaborée, accessible et conforme aux standards internationaux, cette juridiction offrirait au Burundi une solution face au manque de spécialisation en droit des affaires d'une grande partie de ses magistrats. Elle constituerait également un remède contre les lourdeurs administratives et l'encombrement de la Cour Suprême, engorgée par de nombreuses affaires commerciales, ce qui ralentit actuellement le processus de règlement des litiges. Les recours en cassation peuvent ainsi prendre plusieurs années avant d'être examinés. Tant la Cour que les justiciables ne cessent d'exprimer leur insatisfaction à cet égard. Cela permettrait en conséquence aux autorités burundaises de concentrer leurs efforts sur d'autres priorités essentielles pour le développement économique et juridique du pays.

En outre, le Burundi réaliserait des économies d'échelle importantes en s'appuyant sur l'expertise partagée d'un vaste ensemble d'États africains au sein de l'OHADA, tous unis par une volonté commune de développement économique et d'accélération des échanges commerciaux. Cette dynamique prendrait encore plus de sens dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), où l'adhésion à un cadre juridique harmonisé renforcerait l'intégration économique régionale.

Il est également important de noter que dans un contexte globalisé où seuls les grands ensembles économiques, territoriaux et démographiques dominent la scène internationale, l'adhésion à des organisations comme l'OHADA permettrait au Burundi de sortir de l'isolation et du repli, souvent cités comme des causes profondes de la pauvreté persistante en Afrique. En rejoignant un cadre harmonisé, le Burundi se positionnerait non seulement comme un acteur plus attractif pour les affaires, mais aussi comme un facilitateur dans les échanges régionaux, renforçant ainsi sa compétitivité sur la scène économique internationale.

7. Quels sont les coûts économiques et administratifs pour le Burundi liés à l'adhésion à l'OHADA, et comment le pays pourrait-il les compenser ?

Les coûts comprennent les frais de mise en conformité des lois nationales, la formation des juristes, des avocats et des juges, ainsi que les frais d'adhésion au système OHADA. Cependant, ces coûts peuvent être compensés par l'augmentation des investissements étrangers et l'amélioration du climat des affaires, qui apporteront à terme des bénéfices économiques significatifs. L'OHADA pourrait également attirer des financements et des partenariats internationaux pour appuyer ces réformes.

8. Comment l'adhésion à l'OHADA pourrait-elle affecter les petites et moyennes entreprises (PME) burundaises qui ne sont pas encore familiarisées avec les pratiques de droit des affaires harmonisé ?

À court terme, les PME pourraient rencontrer des difficultés d'adaptation aux nouvelles règles. Cependant, l'harmonisation des règles OHADA simplifiera à long terme les procédures, comme la création d'entreprises ou la gestion des litiges commerciaux. Des campagnes de sensibilisation et de formation devront être mises en place pour aider les PME à comprendre et à appliquer ces nouvelles normes. L'OHADA simplifie également les formalités administratives et encourage la croissance des entreprises.

9. Quels seraient les impacts de l'adhésion du Burundi à l'OHADA sur les investisseurs étrangers et le secteur privé local, notamment en termes de sécurité juridique et de confiance ?

L'adhésion à l'OHADA rassurera les investisseurs étrangers, qui bénéficieront d'un cadre juridique stable et transparent, reconnu internationalement. Cela augmentera la confiance dans le système judiciaire burundais et encouragera les investissements à long terme. Le secteur privé local en bénéficiera également, en ayant accès à un cadre plus prévisible pour faire valoir ses droits, ce qui favorisera les partenariats internationaux et les opportunités de croissance.

10. L'OHADA propose un droit des affaires harmonisé. Quelles seront les conséquences pour le Burundi de la perte d'une partie de sa souveraineté juridique dans le domaine du droit des affaires ?

Il est important de préciser qu'il ne s'agit pas tant d'une « perte » de souveraineté que d'une adhésion légitime, rationnelle et réfléchie aux règles de l'OHADA. En adhérant à ce cadre juridique harmonisé, le Burundi choisit de s'inscrire dans un ensemble de normes régionales qui ont fait leurs preuves en matière d'efficacité juridique et d'efficience économique. Ce choix permet au pays de bénéficier d'une sécurité juridique accrue, essentielle pour attirer les investisseurs étrangers et renforcer la confiance des acteurs économiques locaux.

Plutôt qu'une perte, cette harmonisation représente un gain en matière de cohérence et de prévisibilité du droit des affaires. En intégrant les textes de l'OHADA, le Burundi adopte des règles qui ont été conçues pour être applicables dans divers pays africains, ce qui réduit les risques d'arbitraire et les incertitudes juridiques qui pourraient freiner les affaires. De plus, cela contribue à la lutte contre l'inefficacité juridique souvent observée dans les systèmes juridiques nationaux trop fragmentés, et renforce l'efficience économique à travers des procédures simplifiées, plus rapides et moins coûteuses.

Ainsi, ce processus ne constitue pas une abdication de souveraineté, mais une rationalisation de celle-ci, où le Burundi conserve la capacité de se concentrer sur d'autres aspects de son développement juridique tout en adoptant un cadre éprouvé pour le droit des affaires. En fin de compte, quels risques le Burundi peut-il courir à long terme, sinon la surprise de voir un redressement rapide de son économie ? Il pourra, en toute souveraineté et à tout moment, évaluer l'opportunité de se retirer et dénoncer le traité si celui-ci ne lui apportait que des désavantages.

11. Combien de temps peut-on estimer que prendra le processus d'adhésion du Burundi à l'OHADA, depuis la décision politique jusqu'à la pleine mise en œuvre des textes OHADA ?

Le processus d'adhésion pourrait prendre entre un et trois ans, en fonction de la rapidité avec laquelle le gouvernement burundais ratifie le traité OHADA et met en œuvre les réformes nécessaires. La formation des juges et des acteurs économiques prendra aussi du temps. Toutefois, une fois le traité ratifié, le droit OHADA s'appliquera immédiatement dans les relations juridiques, bien que la pleine adoption des pratiques puisse nécessiter un certain délai d'adaptation.

Pour plus d'informations, veuillez contacter :

Abdoul Mtoka
Email : abdoul.mtoka@africase.co

Commentaires

  • 21/10/2024 17h02 KOUADIO

    Vraiment, je prends ces notes comme un enseignement. Merci pour la
    Précision et la concision.

    Étudiant juriste à la recherche de stage de perfectionnement.

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