Soutenance des travaux d'une habilitation à diriger les recherches à l'université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA-France)
- 05/08/2013
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Thème : « Les Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d'Exécution en droit OHADA : Lueurs et Leurres d'une Réforme Multiforme ».
Le 15 Juillet 2013 à 14 heures, le Dr. Félix ONANA ETOUNDI, Magistrat, Expert de l'Institut Français d'Experts Juridiques Internationaux spécialisé en Droit des Affaires, Directeur Général de l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature des Etats membres de l'OHADA (ERSUMA), a soutenu publiquement ses travaux en vue de l'Habilitation à Diriger les Recherches dans les Universités et Grandes Ecoles, dans le cadre d'une candidature présentée par le Centre de Recherche et d'Analyse Juridique de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour (CRAJ) où il est membre de l'équipe de recherche de l'Unité de Droit des Affaires.
La soutenance a révélé qu'à partir des travaux d'une Thèse de Doctorat d'Etat en Droit des Affaires couronnée de la mention Très Honorable avec Félicitations du Jury suivie de nombreuses publications dont six ouvrages et une vingtaine d'articles de doctrine, de l'encadrement de plusieurs Mémoires de Maîtrise, de Master II et de DEA , puis de la participation à divers séminaires internationaux en qualité de Modérateur ou d'Intervenant, le parcours de chercheur du Dr. Félix ONANA ETOUNDI s'est principalement attaché à développer le thème de recherche consacré aux « procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution en droit de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) ».
Selon le candidat, au-delà du fait que le droit de l'exécution des décisions de justice constitue de façon générale le complément indispensable de toutes les disciplines juridiques, sa thématique de recherche est d'importance particulière pour les Etats membres de l'OHADA qui y ont vu un élément fondamental de la sécurité juridique et judiciaire de l'investissement visée par le Traité OHADA.
Abordée sous une approche comparative de la matière avec le droit antérieur des pays membres de l'OHADA, la réforme OHADA des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution constitue, du point de vue de Félix ONANA ETOUNDI, un ensemble théorique remarquable par les nouvelles mesures consacrées, mais dont l'application tant par les juridictions nationales des Etats parties que par la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA recèle des difficultés qui en limitent l'efficacité pratique.
La poursuite de son analyse amène à considérer que le système harmonisé des voies d'exécution et des procédures simplifiées de recouvrement mis en place dans l'espace OHADA s'identifie dès lors à une construction inachevée, les lueurs d'une revalorisation du droit de créance et du titre exécutoire s'estompant au gré des problèmes d'application qui justifient les leurres d'une réforme plutôt confortable à la situation du débiteur.
Au titre des lueurs, la réforme crée un mécanisme uniforme d'injonction de payer et une diversité de mesures d'exécution facilitant la contrainte du débiteur et la satisfaction du créancier.
S'agissant de l'injonction de payer, l'Acte uniforme OHADA en fait une procédure simple et rapide dans sa phase non contradictoire, de manière à permettre à un acteur économique ou à tout intéressé d'obtenir en toute célérité une décision judiciaire de condamnation de son débiteur au paiement de sa créance quelqu'en soit le montant.
Concernant les voies d'exécution, le législateur OHADA instaure de nouvelles saisies conservatoires (droits d'associés et des valeurs mobilières), réaménage les saisies-ventes qui remplacent les saisies-exécution, et donne priorité à la saisie-attribution des créances moins formaliste et plus rapide que la saisie-arrêt qu'elle remplace. Mais Félix ONANA ETOUNDI souligne que si les saisies mobilières ont été renforcées et redynamisées, la saisie immobilière par contre, ne connaît pas de restructuration fondamentale dans cette législation et demeure une procédure complexe.
Au titre des leurres, la célérité voulue dans la procédure d'injonction de payer est évincée par un recours quasi systématique au mécanisme d'opposition à paiement. De sorte que trop souvent, la procédure contentieuse devient aussi lente qu'en droit commun. De même que la mise en œuvre des nouvelles saisies ouvertes au créancier comporte des solutions pratiques controversées qui en relativisent l'efficacité. C'est le cas des difficultés d'application de certaines règles générales communes à toutes les saisies (identification de la juridiction compétente pour connaître du contentieux de l'exécution, défenses à l'exécution provisoire, immunité d'exécution , nullités des saisies, obligation de l'Etat de prêter son concours à l'exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires), ou des problèmes nés de l'interprétation des dispositions particulières à chaque type de saisie (saisies conservatoires des créances, saisies des biens meubles corporels, notion de tiers-saisie, effets du cantonnement de la saisie-attribution, saisies des comptes bancaires, saisies des rémunérations). Les leurres de la réforme au bout du processus laissent subsister des questions de prospective juridique susceptibles d'alimenter les pistes d'une réforme plus intelligible et cohérente, intégrant aussi bien la finalité du droit OHADA des investissements que les intérêts particuliers des créanciers et des débiteurs.
Au regard de l'importance de l'exécution effective des décisions de justice dans la construction d'un Etat de droit, les travaux de recherche du candidat Félix ONANA ETOUNDI plaident pour une réforme de la législation OHADA des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution dans un sens plus compatible avec la revalorisation du titre exécutoire , seul gage du crédit des transactions commerciales dans l'espace OHADA.
Dans cette forme de prospective juridique plaidant pour une réforme plus intelligible et cohérente, intégrant aussi bien la finalité du droit OHADA que les intérêts contradictoires des créanciers et des débiteurs, se pose la question de l'immunité d'exécution dont bénéficie l'Etat et les entreprises publiques, immunité appliquée de manière absolue tant par les juridictions nationales et que par la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
En effet, après l'échec des programmes de privatisation des services publics lancés en Afrique Noire Subsaharienne à partir des années 1980 comme une alternative à la gestion publique et un aspect majeur des réformes économiques inspirées par la Banque Mondiale, l'Etat et les entreprises publiques demeurent omniprésents dans l'activité économique des entreprises.
Agents économiques omniprésents, l'Etat et les entreprises publiques achètent et vendent l'eau, l'électricité, le téléphone, le pétrole, même le maïs et le sorgho. Ils sont dans les transports aériens, terrestres et maritimes, dans le chemin de fer aussi, dans les constructions etc. Bref, l'Etat est dispensateur des marchés publics qui entretiennent l'économie. Il est donc juste, pense le candidat, de se préoccuper de l'efficacité de l'immunité d'exécution dans un système économique et juridique où la présence de l'Etat dans les activités économiques excède ses fonctions classiques d'intérêt général.
De ce point de vue, Félix ONANA ETOUNDI considère que l'article 30 de l'Acte uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d'Exécution, en ce qu'il consacre le caractère absolu de l'immunité d'exécution qui profite à l'Etat et aux Entreprises publiques sans réserve ni restriction, est à la fois en recul par rapport à la législation nationale des certains Etats de l'OHADA, et en déphasage avec les objectifs mêmes du Traité OHADA. C'est pourquoi ses travaux plaident pour une restriction de l'immunité d'exécution des personnes morales de droit public aux seules missions de service public, le régime de droit commun des saisies devant s'appliquer aux biens de celles-ci dans les actes relevant d'une activité industrielle ou commerciale. Une telle réforme constituerait une avancée qui permette au droit OHADA de dépasser les solutions traditionnelles, dans l'intérêt bien compris d'un arrimage au droit comparé et à certaines législations internes ayant évolué sur la question (Loi togolaise n°090/126 du 04 décembre 1990 portant réforme du cadre institutionnel et juridique des entreprises publiques).
Le candidat va plus loin dans son analyse et propose de combiner cette solution avec l'arbitrage.
A cet effet, il part de l'idée que l'article 2 alinéa 2 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage prévoit que les Etats et leurs démembrements peuvent être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit de contester l'arbitralité d'un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage. Puis il rappelle qu'en acceptant une clause compromissoire dans le cadre d'un accord commercial interne ou international avec une personne morale de droit privé, l'Etat ou l'entreprise publique renonce implicitement à son immunité de juridiction. Et comme il est admis que la renonciation à l'immunité de juridiction par l'acceptation d'une convention d'arbitrage vaut renonciation à l'immunité d'exécution sauf clause contraire, Félix ONANA ETOUNDI suggère deux solutions fort originales :
- la ratification par tous les Etats de l'OHADA de la Nouvelle Convention des Nations Unies sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens adoptée le 2 décembre 2004. Cet instrument juridique international prévoit que l'acceptation par un Etat étranger d'une clause d'arbitrage vaut renonciation de cet Etat à son immunité de juridiction, avec pour conséquence renonciation à l'immunité d'exécution vis-à-vis de la sentence arbitrale.
- Le recours par les personnes morales de droit public qui acceptent une convention d'arbitrage dans les transactions commerciales internationales à une garantie documentaire contractée auprès d'une banque, pour assurer l'exécution de la sentence. Dans telle hypothèse, la garantie serait payable sur simple présentation de la sentence arbitrale revêtue de la formule exécutoire.
La soutenance s'est achevée aux termes de trois heures d'échanges du candidat avec le Jury composé ainsi qu'il suit :
Président : MONEGER Joël, Professeur des Universités, Université de Paris Dauphine,
Membres :
- BLANC Gérard, Professeur des Universités, Université Paul Cézanne Aix-Marseille III,
- LACOURT Arnaud, Maître de Conférences-HDR, Université de Pau et des Pays de l'Adour, Directeur du Centre de Recherche et d'Analyse Juridiques-CRAJ-EA1929,
- MOUSSA SAMB, Professeur des Universités, Université Cheik Anta Diop de Dakar,
- RAYNAL Jean Jacques, Maître de Conférences retraité, Consultant international,
- KENFACK DOUJANI Gaston, Magistrat, Enseignant Associé-HDR, Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC).
Après en avoir délibéré, le Jury a décidé de conférer à l'unanimité à Félix ONANA ETOUNDI l'Habilitation à Diriger les Recherches au titre de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, et a adressé à l'Universitaire ses vives félicitations pour la qualité exceptionnelle de ses travaux.
12/08/2013 15h04 BELMOND
Bravo Mr le Directeur