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Arbitrage International / Obligations d'indépendance, d'impartialité et de révélation des arbitres / Mise en oeuvre de la responsabilité des arbitres défaillants

  • 05/11/2014
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Nous faisons référence aux lettres d'information des 14 Octobre 2014 et 16 Octobre 2014. Depuis le 14 octobre dernier et la diffusion de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris à l'encontre d'une ordonnance d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue le 29 mars 2011 par l'arbitre unique Monsieur Henri Alvarez, FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP, le monde de l'arbitrage est en émoi.

Au regard de l'importance accordée à l'arbitrage en Afrique, en particulier dans l'espace juridique unifié OHADA, toutes les parties prenantes de la justice arbitrale doivent interroger leurs pratiques professionnelles à la lumière de la portée éthique et pratique de cet arrêt fondamental. Comment accepter la moindre entorse aux principes d'indépendance et d'impartialité des arbitres qui sont de l'essence même de la justice arbitrale ? Ces principes cardinaux sont en effet le préalable vital de toute décision susceptible d'être recouverte de la force exécutoire dans un État de droit. Préalable en effet vital, puisque toute infraction à leur endroit couvrirait d'opprobre la justice arbitrale dans son ensemble et susciterait une désaffection généralisée du monde des affaires.

En l'espèce, ce sont les manquements aux obligations de révélation de l'arbitre et du cabinet d'avocats dans lequel il est associé qui caractérisent l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral et dénuent la sentence rendue de toute efficacité, en France comme d'ailleurs en pratique partout dans le monde : l'arbitre pour n'avoir pas correctement révélé ses liens avec l'une des parties, et son cabinet d'avocats, pour avoir accepté, en plein cœur d'un arbitrage et sans aucune révélation, d'être conseil dans une opération de près de 600 millions USD pour un client qui était, au même moment, partie de cet arbitrage.

Conduite par un arbitre unique, associé majeur du cabinet, n'ayant rien révélé de cette opération, la procédure arbitrale en cause portait pourtant sur plusieurs centaines de millions d'Euros et mettait en jeu la survie de milliers d'emplois! Il est fondamental pour l'avenir de la justice arbitrale de porter un coup d'arrêt à ce type de dérives dont les conséquences, parfois dramatiques, peuvent raisonnablement faire douter de la légitimité du pouvoir juridictionnel accordé à un tribunal arbitral, a fortiori lorsqu'il est composé d'un arbitre unique.

On rappellera à cet égard que l'arbitre conflicté doit être tenu, en vertu des principes généraux de la responsabilité civile, de réparer les dommages éventuellement causés aux parties. Lorsque par sa faute, en l'occurrence l'insuffisante révélation des liens d'affaires, l'arbitre a causé du tort à l'une des parties qui a exposé des frais exorbitants pour se défendre et s'est trouvé, ainsi que ses créanciers, dans de très graves difficultés du fait d'une sentence intermédiaire viciée, il doit être condamné à réparation.

C'est précisément le cas de l'espèce. En effet, la sentence conflictée rendue en mars 2011 a précipité la société défenderesse à l'arbitrage, et ses créanciers, dans des difficultés économiques très graves. Malheureusement, cette sentence dont les vices avaient été découverts postérieurement à l'expiration du délai de recours à La Barbade a pesé comme une « épée de Damoclès ». En effet, cet arbitrage devait se dérouler en deux temps, la sentence litigieuse portant sur le principe de la responsabilité et la seconde sentence à intervenir sur le quantum des dommages-intérêts dont la demande initiale s'élevait à 990 millions de dollars américains. L'ampleur des dommages causés par une sentence viciée peut être dévastatrice, pour la société, ses salariés, ses créanciers, et a fortiori, lorsque la sentence viciée est devenue définitive.

Comment alors remettre les parties dans l'état dans lequel elles étaient avant l'arbitrage ? Le préjudice est colossal. Si la partie défenderesse à l'arbitrage est la première victime directe évidente, quid du préjudice causé par cette sentence viciée aux créanciers et, notamment, le préjudice résultant de l'immobilisation de leur créance ? Abandon, échelonnement sur plusieurs années, perte des intérêts ? Tout comme un magistrat professionnel, qui peut répondre disciplinairement, civilement, voire pénalement d'une faute professionnelle, un arbitre et le cabinet d'avocats, auquel il appartient, doivent également répondre de toute déficience caractérisée dans le rendu de la justice arbitrale.

Si l'Etat est tenu de réparer les dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, les polices d'assurance doivent servir à réparer les dommages causés par le dysfonctionnement de la justice arbitrale. Et les compagnies d'assurance doivent exiger des arbitres, leurs assurés, qu'ils respectent strictement les obligations qui sont les leurs d'indépendance, d'impartialité et de révélation.

Joseph Kamga, Président AEDJ
Email : joseph.kamga@aedj.org

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