Etat des lieux du respect de l'Avis n°03-2015 du 05 novembre 2015 de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA sur l'applicabilité du SYSCOA révisé
- 13/02/2016
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IMPORTANCE SIGNALEE
Nous faisons référence aux lettres d'information www.ohada.com des 12 décembre 2015, 8 janvier 2016 et 1er février 2016 et sommes heureux de publier l'article infra de Monsieur Christian D. MIGAN, Expert comptable diplômé, Commissaire Comptable et Président de la Commission de Normalisation Comptable OHADA.
L'Avis N°03-2015 du 05 novembre 2015 de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA qui fait suite à la demande d'Avis n°001/2015/AC du 05 novembre 2015 de la République du Bénin sur les problèmes posés par « ...le concours du Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA) et l'Acte Uniforme portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités et son annexe, le Système Comptable OHADA » a rappelé :
- la supériorité des règles de l'OHADA sur les règles et les systèmes comptables existants et futurs dans les Etats-parties du Traité ;
- l'établissement des états financiers selon les modèles fixés par l'Acte Uniforme portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités et son annexe, le Système Comptable OHADA ;
- que l'intervention du commissaire aux comptes doit se faire sur la base des états financiers établis conformément au référentiel comptable de l'OHADA, tous documents financiers établis sur d'autres bases devant faire l'objet d'un refus de certification.
Trois pays membres de l'UEMOA (sur les huit pays), ont pris des textes administratifs pour mettre en œuvre le SYSCOA révisé : le Burkina Faso, la Côte d'ivoire et le Niger. Le Sénégal est en attente de son texte administratif.
Côte d'Ivoire : La Sagesse des Autorités
Après avoir pris connaissance de l'Avis N°03-2015 du 05 novembre 2015 de la CCJA, la Direction Générale des Impôts (DGI) de la Côte d'Ivoire a sorti le 6 janvier 2016, une note de service n°035/MPMB/DGI/DLCD-Cab/2016-01/mn avec pour objet, « Précision relative à l'applicabilité du SYSCOA révisé » a rappelé entre autres les points ci-après :
- le Règlement n°05/CM/UEMOA du 28 juin 2013 par lequel le Conseil des Ministres de l'UEMOA a adopté le SYSCOA révisé, censé s'appliquer pour la première fois à l'exercice comptable clos le 31 décembre 2014 ;
- l'article 112 qui abrogent toutes dispositions contraires en vigueur dans les Etats membres...,
- l'Avis N°03-2015 du 05 novembre 2015 de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA rappelé ci-dessus, ...
- l'article 36 du code général des impôts dispose que les contribuables sont tenus de déposer à l'Administration fiscales, leurs états financiers établis et présentés conformément au droit comptable de l'OHADA,
- a conclu que « les états de synthèse des entreprises au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, devront être présentés conformément aux règles du SYSCOHADA, actuellement utilisées par l'UEMOA et par l'OHADA ».
Le Conseil des Ministres du 27 janvier 2016 a confirmé la décision de la DGI en arrêtant les mesures suivantes auxquelles les entreprises devront se conformer :
- présenter l'ensemble de leurs états financiers se rapportant à l'exercice clos au 31 décembre 2015 selon le référentiel comptable OHADA,
- procéder au passage au référentiel comptable OHADA pour les entreprises dont les comptes ont été établis au 31 décembre 2015 selon le référentiel SYSCOA révisé, des mesures d'accompagnement seront dans ce cadre déterminées par la Direction Générale des Impôts (DGI).
- un groupe de travail comprenant le Conseil National de la Comptabilité, la DGI et le secteur privé sera mis en place afin d'évaluer les impacts du remplacement du référentiel comptable OHADA par celui du SYSCOA révisé.
La Côte d'Ivoire en prenant une décision pleine de bon sens qui respecte « l'unicité » du droit comptable OHADA rappelée par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement (CCEG) de l'OHADA le 17 octobre 2013 à Ouagadougou qui a donné des instructions pour faire de l'Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises « l'unique référentiel comptable en vigueur dans les Etats parties ». Cette décision de la CCEG de l'OHADA a été confirmée par le Conseil des Ministres de l'OHADA des 30 et 31 janvier 2014 à Ouagadougou qui a « invité toutes les instances concernées à s'y conformer ».
Il s'agit en fait de la responsabilité individuelle de chaque professionnel devant les juridictions de la Côte d'Ivoire et de la CCJA. Un Etat partie au Traité de l'OHADA ne peut remplacer unilatéralement un Acte uniforme par un texte national ou sous-régional car l'article 112 de l'Acte Uniforme sur le droit comptable impose, la supériorité des règles de l'OHADA sur les règles et les systèmes existants et futurs dans les Etats-parties du Traité.
Burkina Faso et le Niger : Un « cadeau empoisonné »
Communiqué du Burkina Faso : Le 18 janvier 2016, le Conseil National de la Comptabilité (CNC) du Burkina Faso a publié un communiqué sur le référentiel applicable dans ce pays dans lequel on peut lire :
« Le Directeur Général des impôts, Président du CNC et le Président de l'ONECCA informe les contribuables du Burkina Faso que :
- Le référentiel comptable applicable au Burkina Faso demeure le SYSCOHADA,
- Cependant les états financiers de l'exercice 2015 que les contribuables viendraient à établir selon le SYSCOA révisé sont recevables par les services de la Direction générale des impôts ».
Communiqué du Niger : La Directrice Générale des Impôts et le Président de l'Ordre National des Experts comptables et Comptables Agréés (ONECCA Niger) informent les contribuables et les professionnels de la comptabilité que :
- Le référentiel comptable applicable en république du Niger demeure le SYSCOHADA;
- Cependant, les états financiers qui seraient établis au titre de l'Exercice 2015, selon le SYSCOA révisé, sont recevables par les Services de la Direction Générale des Impôts.
Le communiqué du CNC du Burkina Faso comme celui de la DGI et de l'ONECCA Niger, s'inscrivent dans cadre de l'article 112 de l'Acte uniforme sur le droit comptable, puisque reconnaissant que le SYSCOHADA est le seul référentiel applicable au Burkina Faso d'une part et au Niger d'autre part. Tout en reconnaissant le caractère obligatoire du SYSCOHADA, il est cependant précisé dans chacun de ces communiqués, que les états financiers de l'exercice 2015, établis suivant le SYSCOA révisé peuvent être acceptés par la Direction générale des impôts du Burkina Faso et du Niger.
Que la Direction des impôts, qui obéit à des motivations essentiellement budgétaires, prenne une telle décision peut être compréhensible politiquement, dès l'instant que les retraitements à opérer lui permettent d'asseoir sa base d'imposition.
Il est incompréhensible, par contre, que le CNC, voire l'ONECCA, qui sont des organes qui prônent le respect des normes comptables, puissent prendre une telle décision, ou s'y associer.
En effet, la situation créée par ces communiqués est plutôt inédite pour ne pas dire plus, puisqu'elle conduit à l'acceptation par le CNC BF et l'ONECCA du Niger de la coexistence de deux référentiels dans ces pays pour l'exercice 2015 uniquement. Ces communiqués sont en effet en contradiction avec l'article 112 de l'AU sur le droit comptable. A ce niveau de responsabilité, il n'est pas admis de penser qu'on peut, pour convenances personnelles, différer la date d'entrée en vigueur d'une décision de justice ou choisir les dispositions auxquelles on veut bien se soumettre.
Les membres de l'ONECCA du Burkina Faso et du Niger sont interpellés par les décisions de ces communiqués. Nul doute qu'ils respecteront la mission qui leur est dévolue par l'Acte Uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE pour élaborer les états financiers de synthèse et pour asseoir leur opinion sur les états financiers visés à l'article 137 (également les articles 7 à 13, 25 à 34, 74 à 111) dudit Acte Uniforme. S'ils ne le faisaient, leur responsabilité civile, pour les experts comptables et comptables agréés et celle pénale, pour les commissaires aux comptes, pourraient être engagées. Ce faisant, aucune excuse ne pourrait être acceptée, ni auprès de la juridiction compétente burkinabée ou nigérienne, ni auprès de la CCJA.
Ces communiqués du CNC du Burkina Faso et de la DGI et de l'ONECCA du Niger sont, en vérité, des « cadeaux empoisonnés » faits à ceux qui ont appliqué le SYSCOA révisé, ceux-là mêmes qu'ils cherchent à ne pas fâcher. Gageons que les professionnels comptables du Burkina Faso et du Niger vont se conformer au SYSCOHADA qui est le seul référentiel comptable applicable dans tous les pays de l'espace OHADA pour ne pas engager leur responsabilité personnelle.
Sénégal : Il est temps de faire face aux réalités juridiques de l'OHADA
L'Ordre des experts-comptables et des experts-comptables du Sénégal par un mail d'information aux membres de l'Ordre du 5 janvier 2016, dit avoir « interpellé » par courrier N°MF/205/232 du 22 décembre 2015, le ministre de tutelle pour la décision à prendre pour la mise en œuvre du SYSCOA révisé. Et que ce dernier « assume ses responsabilités et dise si OUI ou NON nous appliquons le SYSCOA révisé, en attendant que la même réforme en cours au niveau de l'OHADA soit achevée et mise en application dans une harmonisation globale ».
Malgré ce courrier du Président de l'ONECCA, il a été relevé que le SYSCOHADA est appliqué par la presque totalité des entités sénégalaises.
Gageons que le Ministre des Finances du Sénégal aura les bonnes informations pour prendre la décision qui s'impose pour faire prévaloir « l'unicité » du SYSCOHADA prônée par le CCEG de l'OHADA tout en respectant les textes de l'OHADA en préservant la responsabilité des professionnels comptables.
Il est vraiment temps que tous les acteurs fassent face aux réalités juridiques de l'OHADA, en respectant l'Avis N°03-2015 du 05 novembre 2015, sans se mettre délibérément « hors la loi » par rapport aux textes de l'OHADA.
Les autres pays membres de l'UEMOA : Le respect scrupuleux des textes de l'OHADA
Les quatre autres pays membres de l'UEMOA n'ont pas mis en œuvre le SYSCOA révisé. L'Avis de la CCJA a aussi permis de conforter leur choix de continuer à appliquer le SYSCOHADA.
- le Togo avait, par communiqué du 4 novembre 2014 du Ministre de l'Economie et des Finances confirmé par courrier N°3491-MEF/SP-PRPF du 14 novembre 2014, réaffirmé que le référentiel comptable en vigueur au Togo reste le Système Comptable OHADA.
- le Bénin et la Guinée Bissau ont gardé le statuquo et c'est toujours le SYSCOHADA qui a été maintenu.
- le Mali, après quelques tergiversations, applique en fin de compte le SYSCOHADA.
Conclusions
Le droit comptable devenait aléatoire dans l'espace territorial couvert à la fois par l'UEMOA et par l'OHADA, ce qui remet en cause le principe d'harmonisation posé par le droit OHADA.
Après de nombreux mois de débats et de tiraillements dans les pays membres de l'UEMOA, face à la coexistence dans l'espace OHADA d'un autre référentiel contraire à celui de l'OHADA qui pourrait conduire à l'insécurité juridique, la République du BENIN a consulté la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA qui a dit le droit dans son Avis N°03-2015 du 05 novembre 2015.
Seuls le Burkina Faso et le Niger tout en reconnaissant le caractère obligatoire du SYSCOHADA dans l'espace OHADA ont confirmé, pour l'exercice 2015, l'application des deux référentiels comptables : le SYSCOHADA et le SYSCOA révisé.
L'Ordre du Burkina Faso est depuis novembre 2015 membre de l'IFAC (Fédération Internationale des Experts-comptables) qui prône le respect des normes en vigueur : le SYSCOHADA. Le Niger aspire à être membre de l'IFAC. Ces ordres ne peuvent conseiller aux Autorités et aux confrères de se mettre « hors la loi ». Ce serait une première...
La CCJA a en effet rappelé les dispositions applicables dans l'espace OHADA en matière de comptabilité pour conclure que « le SYSCOHADA est le seul référentiel applicable, à charge pour tous les intéressés d'en tirer toutes les conséquences ». Le débat est clos et il n'y a plus lieu qu'à appliquer l'Avis de la CCJA. Il a été aussi précisé dans cet Avis que le commissaire aux comptes sera amené à faire un refus de certification sur tous documents financiers (états financiers) qui ne seraient pas conformes au référentiel comptable OHADA. Attention, il en est de même pour les experts-comptables et les comptables agréés qui ne pourront pas non plus délivrer une attestation ou un visa sur ces documents financiers (états financiers) qui ne seront pas conformes au SYSCOHADA.
Rappelons que le non respect de l'Avis N°03-2015 du 05 novembre 2015 de la CCJA peut engager la responsabilité civile de l'expert-comptable et du comptable agréé par rapport à l'établissement des états financiers (dispositions de l'AU sur le droit commercial, notamment en ses articles 13 et 15 et de l'AU relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, notamment en ses articles 137, 140, 269, 710 et 890), et de la responsabilité pénale du commissaire aux comptes par rapport à la certification des états financiers (dispositions des articles 8 et 25 à 34 de l'AU portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises). Il s'agit en fait de la responsabilité individuelle de chaque professionnel devant les juridictions de chacun de ces pays et celle de la CCJA.
En attendant la finalisation de la révision de l'Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises actuellement en cours, nul doute que les professionnels respecteront la mission qui leur est dévolue par les Actes Uniformes de l'OHADA en vigueur, sauf s'ils choisissent délibérément de se mettre « hors la loi ». Ils devront alors prendre leurs responsabilités et les assumer seuls, devant les juridictions de leur pays et devant la CCJA.
Christian D. MIGAN
Expert-Comptable Diplômé, Commissaire aux Comptes
Commissaire aux comptes inscrit à la CRCC de Grenoble
Expert-Comptable Agréé CEMAC n°E.C. 081
Enseignant à IUT2 Université de Grenoble Alpes (France)
Président de la CNC-OHADA
Ancien Président de l'OECCA-BENIN
Ancien Président de ABWA
19/02/2016 070748 HASSANE
Bonjour
Je trouve que cet article manque d'honnêteté professionnelle. Parler de sagesse pour la Côte d'ivoire et laisser sous-entendu un qualificatif degradant pour le Niger et le Burkina Faso, n'est pas intelligent pour un professionnel du rang de l'auteur.
Avant toute chose, la révision du syscoa et celle du systeme et droit comptable ohada ont ete financées presque dans la même période par une institution internationale. Il faut dire que ces révisions n'émanent pas d'une initiative de l'une quelconque des institutions regionales africaines. Quelle a été le comportement du Secretariat permanent de l'OHADA pour éviter la situation qui a prévalue ?
En 2001, lorsqu'il a été questions de dispositions contraires, la reponse de la CCJA a specifié que seules les articles non conformes à l'AU étaient concernés. Quelle a été dès cet instant le rôle des professionnels dans la prévention des écarts entre les deux référentiels ?
De plus, le CCOA, les CNC, les OEC sont des organes de l'UEMOA. Quel est le dispositif de normalisation mis en place par l'OHADA ?
Pour que le règlement portant révision du syscoa soit adopté, il faut l'accord de tous les Etats membres de l'UEMOA. La sagesse serait de penser à son applicabilité avant et non après un début de mise en oeuvre. Pour information, la Cote d'Ivoire est revenue sur sa décision pour des motifs budgétairest soulevés par la DGI qui s'opposait à l'application depuis le début de la mise en œuvre.
Bref, il y a assez de points à relever sur cette situation. Pour plus d'objectivité, il vaut mieux se limiter à relater les situations et leurs effets juridiques.
Bonne journée.