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OHADA / Société anonyme : modalités de la suppression du droit préférentiel de souscription

La suppression du droit préférentiel de souscription est valable dès lors qu'il appert que le vote, sans la prise en compte des actions du bénéficiaire de la suppression du droit préférentiel de souscription dans le calcul du quorum et de la majorité, atteint la majorité qualifiée des deux tiers prescrite par l'article 554 de l'AUSCGIE pour la suppression du droit préférentiel et, subséquemment, pour la modification du capital social. L'éclairage de Bréhima KAMÉNA, maître de conférences agrégé à l'Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (Mali).

photoDans cette affaire, un actionnaire d'une société anonyme, bénéficiaire de la suppression d'un droit préférentiel de souscription a pris part au vote des résolutions sur ladite suppression et sur l'augmentation du capital social. Toutefois, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire litigieuse que ses voix ont été “rétractées” relativement à la résolution sur la suppression et qu'il s'est abstenu lors du vote de la résolution sur l'augmentation de capital.

Les requérants faisaient grief à l'arrêt n° 147 du 25 février 2014 de la cour d'appel de Dakar d'avoir, pour infirmer le jugement n° 409 du tribunal régional hors classe de Dakar, soutenu que « c'est à tort que le premier juge a retenu que ce vote n'a pas été intégré dans le calcul de la majorité », sans vérifier si cette majorité a été obtenue selon les dispositions de l'article 587 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE du 30 janvier 2014 (AUSCGIE). Selon eux, en omettant de vérifier si les prescriptions dudit article sur le calcul du quorum et de la majorité ont été appliquées lors de l'assemblée générale extraordinaire, l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de base légale.

L'arrêt rendu par la CCJA le 7 juin 2018 soulève le problème juridique suivant : quelles sont les modalités de la suppression du droit préférentiel de souscription dans une société anonyme ?

Au visa de l'article 587 de l'AUSCGIE, la CCJA casse l'arrêt querellé. Selon elle, les prescriptions de l'article 587 précité sont respectées dès lors que le seul vote d'un actionnaire, sans la prise en compte des actions du bénéficiaire de la suppression du droit préférentiel de souscription dans le calcul du quorum et de la majorité, atteint la majorité qualifiée des deux tiers prescrite par l'article 554 précité pour la suppression du droit préférentiel et, subséquemment, pour la modification du capital social.

Rappelons que l'article 554 dispose que : « L'assemblée générale extraordinaire statue à la majorité des deux tiers des voix exprimées. Lorsqu'il est procédé à un scrutin, il n'est pas tenu compte des bulletins blancs. Dans le cas de transfert du siège de la société sur le territoire d'un autre État, la décision est prise à l'unanimité des membres présents ou représentés ».

Quant à l'article 587, il prévoit que « les bénéficiaires (de la suppression du droit préférentiel), lorsqu'ils sont actionnaires, ne prennent pas part au vote ni pour eux-mêmes, ni comme mandataires et leurs actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité ».

C'est la première fois, à notre connaissance, que la CCJA se prononce sur les modalités de la suppression du droit préférentiel de souscription. Son raisonnement n'est pas conforme à la lettre de l'article 587 précité. En effet, cette disposition érige deux règles cumulatives, à savoir la non-participation de l'actionnaire au vote et l'exclusion de ses actions dans le calcul du quorum et de la majorité. En décidant comme elle l'a fait, la Haute juridiction fait fi de la première condition ou réduit la participation au simple calcul des voix. En cela, elle adopte une conception restrictive de la participation à l'assemblée générale.

Or la participation à l'assemblée générale permet à chaque actionnaire d'engager une véritable discussion autorisant une confrontation directe des opinions. Le débat contradictoire qui en résulte permet de comprendre aisément que la loi de la majorité n'est pas la loi du nombre. En effet, le majoritaire n'a pas toujours raison et le minoritaire n'a pas toujours tort. « Une opposition défendue en assemblée représente un poids sans commune mesure avec celui de la participation détenue, qui sera évalué d'après le pouvoir de conviction et la justesse des arguments de l'opposant » (Schmidt D., Les droits de la minorité dans la société anonyme, Paris, Sirey, 1970, p. 81, n° 119). Dès l'instant que la décision collective ne s'analyse plus comme le résultat du débat contradictoire, elle perd du même coup sa légitimité pour ne plus désigner que le seul jeu de la force du nombre (Kaména B., La situation de l'associé minoritaire en France et dans l'espace OHADA, th., Grenoble II, 2005, p. 37, n° 14).

Ainsi, comme l'a décidé la cour d'appel, du moment où un actionnaire, bénéficiaire de la suppression d'un droit préférentiel de souscription, a pris part au vote des résolutions sur ladite suppression et sur l'augmentation du capital social, en violation de l'article 587 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, sa rétractation relativement à la résolution sur la suppression ne pouvait remettre en cause son vote. De même, son abstention lors du vote de la résolution sur l'augmentation de capital équivaut à un vote car pour s'abstenir, il faut avoir le droit de voter. Cet arrêt contribue, néanmoins, à réduire les cas de nullité des décisions collectives.

Par Bréhima KAMÉNA
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Commentaires

  • 14/11/2018 200824 MAÎTRE ABDOULAYE SEKOU SYLLA, AVOCAT AU BARREAU DE GUINÉE

    Cet arrêt est un arrêt de principe qui est de nature à faciliter les prises de décisions collectives au sein d'une SAR, qui s'écarte un tout petit peu de l'esprit et la lettre des dispositions communautaires édictées en la matière.

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