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Le projet de code européen des affaires connaît un nouvel élan

  • 06/11/2024
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Parmi les orientations politiques de la prochaine mandature de la Commission européenne figure l'idée de créer un 28e droit pour les entreprises innovantes en Europe. Décryptage.

Porté depuis 2017 par l'Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française et soutenu par la Fondation pour le droit continental, le projet de code européen des affaires a été lancé à l'initiative de Paul Bayzelon (Association pour l'Unification du Droit en Europe et UNIDA/www.ohada.com), et Philippe Dupichot, président de l'Association Henri Capitant et directeur du conseil scientifique de Gide Loyrette Nouel. La première étape de cette réflexion a consisté à réaliser et publier un inventaire de la construction communautaire du droit des affaires. « La conclusion de ces travaux était que le droit européen des affaires est assez inaccessible et peu intelligible pour les entrepreneurs, et très hétérogène sur le plan du fond : si certaines compétences ont été très investies et harmonisées - la concurrence, la propriété industrielle ou la supervision des banques et des services de paiement, par exemple -, il n'existe pas vraiment de droit commercial intégré dans tous les domaines », résume Philippe Dupichot.

Treize avant-projets thématiques et un appel à contributions

C'est sur la base de ce constat qu'une centaine de juristes d'une demi-douzaine de nationalités, universitaires ou avocats pour la plupart d'entre eux, ont travaillé à l'élaboration d'une première version du projet de code européen des affaires, réparti en treize livres, et diffusé en septembre 2023. Actuellement en cours de traduction en anglais, ces treize avant-projets n'ont pas tous « le même objet selon qu'il s'agit de compétences partagées ou exclusives des États membres », mais ils ont un point commun : ils ont tous été pensés dans une perspective B to B, « en se plaçant du point de vue d'un entrepreneur européen qui souhaite commercer au sein de l'UE », poursuit l'avocat.

Ils couvrent de très nombreux domaines du droit des affaires : droit commercial général, droit du marché, droit du commerce électronique, droit des sociétés, droit des sûretés, droit de l'exécution, droit des entreprises en difficulté, droit bancaire, droit des assurances, droit des marchés financiers, droit de la propriété intellectuelle, droit social, ou encore droit fiscal. Et on y trouve un certain nombre de propositions de nouveaux instruments juridiques européens : société européenne simplifiée destinée aux petites et moyennes entreprises (société de droit européen avec un capital social minimum de 12 000 €, libérables en plusieurs fois), contrat de prêt européen permettant à une entreprise de mettre des fonds à disposition d'une autre entreprises, euro-sûretés pour garantir des instruments de financement de droit national ou de droit européen, obligations européennes pour consolider l'Union des marchés de capitaux, corpus de règles uniformes pour les cessions de créances, régime fiscal sur mesure pour les jeunes entreprises innovantes européennes...

Depuis la diffusion de cet avant-projet de code, l'Association Henri Capitant a mis ses travaux en suspens. « Nous avons lancé un appel à consultation publique afin d'améliorer les avant-projets grâce à de nouvelles contributions. Nos groupes de travail sont à l'écoute de toutes les propositions qui pourront être faites. » L'avant-projet peut être consulté sur le site dédié à cette initiative.

Un nouvel élan politique pour la création d'un 28e régime juridique en Europe

Or, depuis quelques mois, l'idée de créer un code européen des affaires fait l'objet d'un net regain d'intérêt sur le plan politique à l'échelle européenne. Ainsi, dans son rapport sur la situation et l'avenir du marché unique européen (Much more than a market), présenté au Conseil européen en avril 2024 et au Parlement européen en octobre 2024, le président de l'Institut Jacques Delors et ancien chef du gouvernement italien, Enrico Letta, préconise, entre autres, la création d'un code européen des affaires sous la forme d'un 28e régime juridique, qui ne viendrait pas se substituer mais compléter les régimes des vingt-sept États membres avec des instruments spécifiquement conçus pour faciliter les activités économiques au sein de l'Union européenne. Une proposition qu'il reprend et détaille dans son ouvrage Des idées nouvelles pour l'Europe (Odile Jacob, nov. 2024).

En parallèle, les orientations politiques de la prochaine Commission européenne (2024-2029), dévoilées en juillet 2024 par Ursula von der Leyen, alors candidate à sa succession et réélue depuis, reprennent l'idée de créer un 28e droit pour les entreprises innovantes. « Nous nous attaquerons à la mosaïque de réglementations nationales qui compliquent l'exercice d'activités commerciales dans différents pays de l'UE », peut-on lire dans le programme de la présidente de la Commission. « À cette fin, je proposerai un nouveau statut juridique à l'échelle de l'UE pour aider les entreprises innovantes à se développer. Cela prendra la forme d'un « 28e régime » qui permettra aux entreprises de bénéficier d'un ensemble de règles simplifié et harmonisé dans certains domaines. »

Une idée que l'on retrouve dans la feuille de route du futur commissaire européen chargé de la démocratie, la justice et l'État de droit, l'ancien ministre des Finances irlandais Michael McGrath. « Vous conduirez les travaux visant à construire un statut juridique européen pour aider les entreprises innovantes à se développer, sous la forme d'un 28e régime permettant aux entreprises de bénéficier d'un ensemble de règles plus simples et plus harmonisées », peut-on lire dans la lettre de mission adressée au commissaire européen par la présidente Ursula von der Leyen.

Autant d'annonces qui réjouissent l'écosystème européen de la tech. Une vingtaine d'associations de startups en Europe, dont France Digitale, sont désormais mobilisées pour soutenir ce projet de création d'un 28e régime pour les entreprises innovantes. « Ce 28e régime est une des clés essentielles pour déverrouiller les capacités des entreprises européennes et leur permettre d'enfin bénéficier d'un véritable marché unique », déclare le collectif, qui a récemment lancé une pétition de soutien à ce projet et émis un certain nombre des propositions pour contribuer à cette initiative.

« La balle est désormais dans le camp de la Commission européenne », conclut Philippe Dupichot.

Par Miren Lartigue, Journaliste
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Publié sur Dalloz Actualité (https://www.dalloz-actualite.fr)

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